William Towns, l’iconoclaste

3 Jahre, 7 Monate her - 12 April 2021, caradisiac
William Towns, l’iconoclaste
Il existe une école britannique du design qui fut particulièrement créative dans les années 1960 et 1970. William Towns en est un des représentants les plus dérangeants.

À la fin des années 1960, Aston Martin songe à élargir sa gamme et à épauler la DB 6 avec un modèle plus sportif. La Carrozzeria Touring, à nouveau consultée, présente le résultat de ses recherches en octobre 1966 sous la forme de la DB SC. Mais les rumeurs concernant la pérennité de Touring étant de plus en plus alarmantes, la direction d’Aston Martin préfère se tourner vers un plan « B ». Il existe dans les cartons une contre-proposition soumise par William Towns qui a imaginé des lignes simples, assez aiguisées pour insuffler de la modernité. Cette DBS est présentée en octobre 1967. Elle est élégante, classique, sportive, sans effet de manche. Rien à redire. William Towns s’est retenu.

La DBS va vivre sa vie, longue et tourmentée, jusqu’en 1989 en donnant naissance à une lignée composée de multiples variantes.

Mais entretemps, William Towns dessine, cogite, se lâche. Le résultat de ces longues années arrive en octobre 1976 au Motor Show de Londres. Cette berline doit marquer les esprits après les crises, les faillites et les éclipses. Pour y parvenir, William Towns ne s’est pas retenu : il a élaboré un style radical, aiguisé à l’extrême, avec des proportions exacerbées, des déséquilibres, des provocations.

Le monde découvre Towns et ses excès à cette occasion et pourtant ce n’est pas un débutant. C’est un représentant particulièrement remuant de la nouvelle école du design britannique. À cette époque, l’Angleterre est encore une île. Les autochtones se gardent bien d’envisager une voie souterraine qui les relierait au continent. D’ailleurs, personne ne songe alors à une alliance avec cette Communauté que les Européens ont l’impudence de construire.

Jusqu’à l’ouverture d’un tunnel sous la Manche en 1994, les Anglais refusent tout contact physique avec le reste de l’univers. Ils ne font rien comme les autres, pas plus les automobiles que les gâteaux à la crème ou les romans policiers. C’est comme après le Brexit, mais sans avoir eu à supporter les Européens pendant 47 ans. Les voitures britanniques ne sont pas désuètes, mais intemporelles. Outre les bus Routemaster à impériale et les taxis Austin, que croise-t-on dans les rues de Canterbury ou d’Edimbourg ? Des machines au charme singulier que les sauvages d’en face, mangeurs d’escargots et de grenouilles, ne comprennent pas, ne méritent pas.

Parler de modernisme à propos de l’industrie anglaise serait déplacé. Les dérives d’une modernité qui se nourrit de fonctionnalisme et de plastique ne concernent pas la patrie de Bentley et autres institutions qui ont gravé leur résistance dans la ronce de noyer.

Le design britannique a le devoir d’entretenir ces particularismes. Les écoles y veillent. L’ancestral Coventry College of Design comme le Birmingham College of Art and Design disposent d’une chaire dédiée à l’enseignement du design. En 1969, le très respectable Royal College of Art de Londres ajoute à son cursus un programme dédié aux moyens de transport, une première en Europe.

Dans cet environnement, l’industrie britannique recèle plusieurs personnalités remarquables aux références émérites. Chez Vauxhall, l’homme qui reste aux commandes du studio de style de 1934 à 1971, David Jones, a suivi les cours de sculpture de Henry Moore au Royal College of Art. À la British Leyland, Harris Mann, ingénieur de formation, s’est familiarisé au design chez Raymond Loewy. Chez Rover, David Bache a joué un rôle décisif dans la modernisation du style en menant à bien l’étude de la première Range Rover qui ouvrira la voie à tous les SUV modernes.

L’un des talents les plus originaux du Royaume-Uni est William Towns. Né en 1936, il a débuté chez Rootes en 1954 puis il a dessiné la mémorable Rover-BRM à turbine de 1965 avant de créer le studio Interstyl basé à Moreton-in-the-Marsh dans le Gloucestershire.

En dehors de ses créations pour Aston Martin, William Towns conçoit plusieurs projets visionnaires tels que la citadine Minissima (1973) ou la frugale Hustler (1978). William Towns sera emporté par un cancer en 1993 à l’âge de quarante-sept ans.

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