C'est pourtant le cas de la Fiat Tipo, qui persiste depuis l'origine de la marque. Malgré les années d'abandon, elle est toujours revenue, comme une mascotte, un porte-bonheur du constructeur.
C'est la madeleine de Fiat. Quatre lettres qui ponctuent l'histoire de la marque, de 1910 jusqu'à aujourd'hui. C'est une histoire de Tipo, un nom tout bête puisqu'il signifie "type": de la Tipo 1 à 6 des débuts, disparue en 1920 pour devenir 68 ans plus tard Tipo tout court, une compacte en avance sur son temps, elle-même arrêtée en 1995 pour revenir à nouveau, en 2015, sous la forme d'une voiture populaire. Une Tipo typique de ce qu'incarne la marque : l'automobile accessible à tous, ou presque.
Les débuts de la Tipo, 11 ans après les débuts de Fiat
Bien sûr, la Tipo n'est pas première auto de la Fabbrica Italiana Automobili Torino (Fiat), mais elle marque une étape essentielle : celle du passage à l'ère industrielle, à la voiture de série et à la construction de la plus grande usine d'Europe : le Lingotto. Car entre 1899 et 1910, Fiat fabrique déjà des autos. Ce sont des voitures de compétition et de petites séries. Mais en 1910, Giovanni Agnelli passe à la vitesse supérieure. Il a créé une filiale américaine et regarde de près son rival Henry Ford qui est en train de révolutionner l'industrie à Detroit. Lui aussi veut fabriquer des autos en grande série. Sa Ford T s'appellera Fiat Tipo. Elle débarque en 1910 et cette Tipo 1 développe 15ch. Deux ans et 2 521 exemplaires (un excellent score pour l'époque) plus tard, elle passe à 18ch.
D'autres Tipo sont lancées en parallèle, avec des noms de baptême simples : elles sont numérotées. Du Torpédo à l'utilitaire et à la voiture de course, en passant par une version familiale à 7 places et taxi, qui va sévir dans les rues de Londres et Paris, des milliers de Tipo sortent de la vieille usine de Turin. Succès aidant, Agnelli veut accélérer la cadence et met en chantier le fameux Lingotto, entamé en 1916 et achevé en 1923. Mais lorsque le lingot est opérationnel, la Tipo ne l'est plus. Après une dizaine de milliers d'exemplaires fabriquées, elle va disparaître en 1920 pour renaître en 1988.
Le début des années quatre-vingt n'est pas folichon à Turin. Fiat souffre de sa maladie habituelle : le syndrome du mono produit. La Uno se vend bien, mais le reste de la gamme est ensablé dans une morne plaine. La compacte Ritmo ne prend pas et elle vieillit. Il faut changer. D'autant que l'allemande Volkswagen Golf montre la voie à suivre en matière de berline moyenne. Alors il faut tout changer, et pour y parvenir, pourquoi ne pas puiser dans l'histoire maison. Va pour la résurrection de la Tipo. On l'avait oubliée depuis 63 ans, c'est le moment. Mais à qui confier le dessin de la nouvelle auto ? D'autant qu'elle doit marquer une nouvelle ère de Fiat. Ce sera la première plateforme modulaire (elle servira pour le Coupé, le Tempra, les Bravo et Brava, la Marea et même les Alfa 145 et 155). Quant à son style, il doit lui aussi être en rupture avec la pompe faussement classieuse et vieillotte des Fiat d'antan.
Fiat Tipo millésime 1988 : elle est née d'une brouille
Pour concevoir un tel OVNI, les dirigeants pensent logiquement à Giorgietto Giugiaro. Il a notamment dessiné la Uno qui cartonne. Mais le boss d'Italdeign est qualifié de traître par les cadres de Fiat. Il a osé proposer un projet à Volkswagen. Pire, il s'est permis de dessiner ce qui pourrait être la nouvelle Golf, l'épouvantail, l'ennemi absolu. Au final, son dessin sera retenu par le groupe allemand mais pour une autre auto : la première, et très réussie, Seat Ibiza. C'est un affront d'autant plus grand que Seat est une ancienne filiale Fiat que le groupe Volkswagen a rachetée et qui en train de prospérer. Mais si Giuigiaro est banni, à qui confier le projet ? À la concurrence pardi.
Le dessin de la Tipo est finalement confié à IDEA et c'est Vittorio Ghidella qui se colle à la tâche. En 1987, l'auto est dévoilée. Elle surprend, sa partie arrière stricte interpelle ses premiers observateurs, la sobriété de l'ensemble aussi. Mais tous reconnaissent son incroyable habitabilité. Puis, au début de 1988, l'auto est essayée par la presse. Et c'est l'emballement. Nouveaux moteurs, nouveau châssis, nouveaux équipements, dont un ABS en option et une techno de pointe pour l'époque.
Les lauriers tombent sur Turin et la Tipo se voit décerner le Goncourt de l'auto : le prix de la voiture de l'année. À côté, les Ford Escort Opel Kadett et Peugeot 309 ne risquent pas de lui faire trop d'ombre. Mais le succès n'a qu'un temps et en 1995, la Tipo s'en va à nouveau, remplacée par la Bravo en 3 portes et la Brava en 5 portes beaucoup moins couronnées de succès.
L'épiphénomène de la voiture populaire
Vingt ans se passent, pendant lesquels la Tipo reste au tombeau. Mais au début des années 2000, une tendance semble se dessiner, et à Turin on est à l'affût des nouveautés. Dacia cartonne depuis quelques années et les constructeurs cherchent la solution. Refaire le coup du low cost ? Difficile de copier la roumaine, ça impliquerait un outil industriel performant et spécialement dédié. C'est Ford qui frappe le premier en ressuscitant sa petite urbaine, la Ka, pour en faire une Ka+, laquelle n'est autre qu'une Fiesta en fin de carrière. Elle est soldée sans être bradée, comme une version premium du low cost. Une bonne idée, un retour de la véritable voiture populaire, tandis que dans toutes les marques, c'est l'inflation des prix liée aux équipements pléthoriques. C'est du moins ce qu'on se dit en Italie.
Alors, une nouvelle fois, puisqu'il faut bousculer le marché, on exhume le nom Tipo, qui a toujours porté chance, même si elle s'appelle Egea en Turquie et Dodge Neon au Mexique. En plus, si un contructeur est tout indiqué pour produire une auto populaire, c'est bien Fiat. Elle débarque en 2015 en quatre portes et un tarif canon : 12 500 euros, avec un équipement très honnête. Sur le papier, impossible de rater sa cible.
Mais la tendance "low cost premium", ou "voiture populaire", ou encore "auto essentielle" est un épiphénomène. Le succès n'est pas au rendez-vous. Ford remballe sa Ka+ à la fin 2019 et la Tipo n'est pas le carton espéré en Europe, même si elle fait son bonhomme de chemin à travers les quarante pays où elle est vendue. Du coup, elle est restylée en 2020 et une version un peu plus huppée et plus SUVéisante voit le jour dans la foulée, sous le nom de Tipo Cross. C'est un semi-échec, donc, le premier d'une Tipo durant sa très longue carrière de 110 ans. Le nom mythique ne porterait-il plus chance à Fiat ?
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