Au volant du Mythe : la Citroën DS 21 Pallas

hace 3 años, 3 meses - 4 septiembre 2021, News d’Anciennes
Au volant du Mythe : la Citroën DS 21 Pallas
La DS, c’est à elle que revient la lourde tâche de succéder à la Traction. Avec elle, Citroën réussit le pari de remplacer une icône par une autre.

En effet, peu d’automobiles peuvent se targuer d’avoir une telle aura. La Citroën DS revêt une dimension à la fois symbolique, esthétique et technique. Elle fascine, impressionne. Nul ne lui reste indifférent. Moi-même, j’ai grandi bercé par ses légendes. A présent, je vais m’atteler à vous faire découvrir et redécouvrir ce qui fait l’essence de ce monument de l’Automobile.

La Citroën DS en bref
La genèse de la DS débute en 1938. La Traction n’a pas cinq ans que Pierre Boulanger, alors aux commandes de Citroën, pense déjà à sa remplaçante. Il trace les premières lignes du projet VGD, pour « Véhicule de Grande Diffusion ». Les temps sont incertains mais une chose est sûre, la future Citroën devra résolument être plus confortable que sa devancière.

En 1950, Pierre Boulanger décède dans un accident de la route. Pierre Bercot reprend les rênes de la marque et affine le cahier des charges du projet VGD. La voiture devra être lumineuse, avoir des voies arrière plus étroites qu’à l’avant et se doter d’une carrosserie profilée.

Et cela tombe bien, car André Lefèbvre, alors ingénieur en chef du Bureau d’Études, est un ancien de l’aviation et des Automobiles Voisin. Avec le styliste Flaminio Bertoni, tous deux sont sensibles à l’aérodynamisme et à la répartition des masses. Les premiers croquis viennent rapidement confirmer ces orientations, comme en témoignent les lignes des prototypes, directement issues du profil inversé d’une aile d’avion.

Pour répondre aux exigences de confort, c’est l’inventeur Paul Magès qui est à la barre. Ce dernier met au point un système hydraulique assurant l’assistance au freinage, l’asservissement de la boîte de vitesses, la direction et surtout la suspension. Cette dernière est même commercialisée dans un premier temps sur la Citroën Traction 15-Six H.

Le scandale de l’Auto Journal
Avant même sa sortie, la future Citroën fait déjà parler d’elle. La revue L’Auto Journal crée le scandale en dévoilant le dessin de prototypes espionnés au centre d’essai de la Ferté Vidame.

Quelques mois plus tard, en octobre 1955, la nouvelle Citroën est dévoilée au Salon de l’Automobile de Paris. Le style et la technologie révolutionnaires de la Citroën DS bouleversent. La DS balaie la concurrence et tout ce qui se faisait jusqu’alors tombe en désuétude.

Révolution et évolutions
L’année suivante, Citroën lance l’ID. Cette dernière ne reprend que le minimum des solutions techniques d’avant-garde de la DS tout en étant plus abordable. En 1959, un break rejoint la gamme, suivi de près par un cabriolet, carrossé par les ateliers Chapron dès 1960. Au Salon de 1965, la DS voit l’apparition d’un nouveau niveau de finition qui marquera les esprits : la Pallas. La même année, le moteur est alors gonflé à 2175 cm³.


A partir de 1968, la Citroën se refait une beauté avec une profonde évolution stylistique. A l’image de la Panhard 24, les optiques avant sont désormais intégrés au galbe des ailes.

La dernière évolution notable sera l’arrivée de l’injection électronique, proposée dès 1969. La puissance atteint alors les 139 ch SAE sur les modèles équipés de cette technologie. Enfin, en 1970 la Citroën DS est secondée par la SM, une luxueuse GT à moteur V6 Maserati.

Côté palmarès, la famille DS s’illustre par une victoire lors du Rallye de Monte Carlo en 1959 mais aussi au Tour de Corse 1961 et à travers les nombreux exploits de Bob Neyret en rallye raid.

Pendant longtemps, la Citroën DS est restée une voiture vraiment à part. Elle quitte la scène automobile en 1975, après 493.724 exemplaires produits (hors ID, breaks et cabriolets qui portent ce total à 1.330.755 unités), remplacée par la Citroën CX.

Notre Citroën DS du jour
Il y a tant à dire sur la plastique de la DS et vous allez voir que l’exemplaire qui s’offre à vos yeux est un millésime particulièrement savoureux.

Assemblé aux Quais de Javel en décembre 1968, cette Citroën DS 21 est un modèle Pallas. Mais ce qui la rend si spéciale, c’est d’abord sa teinte. La grande dame revêt une robe Bleu Andalou (AC 623), une peinture proposée au catalogue de 1968 à 1969 et également utilisée par les véhicules de Gendarmerie.

Sur notre modèle, le toit arbore la même teinte que la caisse. A lui seul, il illustre toute l’ingéniosité des bureaux d’études Citroën. En effet, ce pavillon est réalisé avec de la fibre de verre moulée dans du polyester et recouvert de gel coat. Ainsi, en réduisant la masse de son couvre-chef, la voiture abaisse son centre de gravité. Un exemple qui souligne bien toute la réflexion mise en œuvre lors de l’élaboration de la DS.

On loue souvent le génie technique de Citroën, mais lorsqu’il s’agit de style, il faut reconnaître que le double chevron est bien capable du meilleur comme du pire. Ici, avec les traits donnés par Flaminio Bertoni, bienvenue dans le meilleur des mondes. Pourtant, cette perfection ne tient qu’à un détail. Elle repose sur le clignotant arrière qui prend la forme d’un cornet. Cet élégant trompe-l’œil dissimule la jonction entre la ligne de caisse et le pavillon. Dernier détail singulier, lorsque l’on ouvre la malle du coffre, cette dernière révèle une lunette arrière rigoureusement symétrique.

Prenez maintenant le temps de l’observer. Faites glisser votre regard sur ses formes sculptées. Attardez-vous sur ses détails : la découpe du capot, des portes avant, la courbure du pare-brise, les vitres sans encadrement, les montants très fins ou ses élégantes poignées de portes (qui deviendront encastrées en 1969).

Pour les néophytes, quelques signes rapides permettent de distinguer les DS des autres modèles de la gamme D. Premier détail, les monogrammes apposés sur la malle. Les chevrons sont dorés sur les DS et argentés sur les autres. Seconde spécificité de la DS, elle est la seule à signer ses montants arrière de ses initiales. Enfin, ses enjoliveurs recouvrent intégralement les jantes contrairement aux ID et dérivées qui laissent apparaître une partie de la jante.

Le double chevron n’a pas non plus été avare en baguettes et joncs chromés. Ces derniers viennent souligner subtilement le dessin de la DS, sans pour autant le surcharger. C’est d’ailleurs à cela que l’on peut reconnaître une Pallas. Son profil se pare de trois niveaux de baguettes sur les portières et les ailes.

Avec la DS, on est à des années lumières de la rustique et attachante 2CV AZA. Il peut paraître assez fou de constater le fossé qu’il existait entre ces deux automobiles d’une même marque à une époque ! C’était la France rurale, ouvrière et celle des cadres et chefs d’entreprises qui se rencontraient dans les garages et concessions Citroën. C’est là où réside une partie du génie Citroën, qui parvenait à contenter les besoins de tous les Français.

Phares jaunes et pavés
Revenons à la DS. Son nez plongeant cache les prises d’air sous sa jupe avant et permet l’utilisation d’une fine calandre entre le pare-chocs et le capot. De part et d’autre, notre Citroën DS double son regard en adoptant les nouveaux feux dessinés par Robert Opron. Cette évolution lui confère également des ailes plus généreuses. La DS gagne ainsi en modernité mais aussi en stature. La version Pallas bénéficie même de projecteurs directionnels de série (en option sur la plupart des modèles de la gamme D). L’optique éclaire le virage avant que le conducteur ne le négocie. Un atout qui améliore de manière significative la sécurité à bord de la Citroën.

Voyage au cœur d’un Pallas
L’habitacle de la Citroën DS est une véritable bulle de confort. Cette sensation se perçoit dès lors où l’on pose son regard sur les épaisses garnitures. Elles promettent des heures de voyage dans la plus douce des étreintes. Ces sièges d’origine conservent à la fois patine et éclat. Le cuir s’invite jusque dans les moindres recoins. Il vient recouvrir l’intérieur des portières et même la partie basse du tableau de bord. Leur teinte brun tabac s’accompagne de moquettes caramel. Un ensemble complémentaire au Bleu Andalou drapant la carrosserie.

La planche de bord conserve l’esprit général des premiers modèles. Elle s’associe à l’élégant volant monobranche à bandes en chlorure de vinyle. Derrière celui-ci, on retrouve le compte-tours Jaeger qui affiche les distances d’arrêt sur sol sec. Sous la boîte à gant, on retrouve le poste de radio accolé à un coquet cendrier. A l’arrière, pas de traitement de faveur. Chaque passager dispose du sien. Derrière l’un d’eux est apposée une plaque au nom du concessionnaire de l’époque. Les places arrière bénéficient de poignées de maintien qui prennent la forme de lanières en cuir.

Sous le capot, entre Héritage et Révolution
Côté mécanique, l’ordinaire côtoie l’incroyable. Sous le capot en aluminium, les premières DS reprennent le bloc moteur 11D, initialement monté sur les Traction et dont seule la culasse est retravaillée.

Dans sa configuration de décembre 1968 (année modèle 1969), la cylindrée de notre DS est portée à 2 175 cm³. La mécanique développe 115 ch SAE à 5750 tr/min. Ce qui offre à la DS 21 une vitesse de pointe de 178 km/h, du moins en théorie.

Un laboratoire roulant
Au milieu des différents organes classiques, on distingue en vert les éléments hydrauliques qui ont fait toute la réputation de la DS. Une centrale hydraulique alimente le circuit de freinage, la direction assistée, la commande de boîte de vitesses mais aussi la suspension et l’amortissement. Ces deux dernières fonctions sont assurées par les mythiques sphères, associant gaz compressible et liquide incompressible. Elles permettent le maintien constant de l’assiette du véhicule et une tenue de route incomparable. A tel point que la DS peut rouler sur seulement trois roues car l’hydropneumatique compense. Mais nous n’irons pas jusqu’à le vérifier !

Essai sur un Tapis Volant
Contact. Après avoir tourné la clé, je bascule dans l’inconnu. La Citroën DS est une voiture qu’il faut connaître avant même de pouvoir la conduire. Pour démarrer je pousse la commande de vitesse vers la gauche, où se trouve inscrit un petit “D”, tout en pressant légèrement la pédale de gaz. Le moteur s’éveille sobrement. Pendant une demie seconde, il ne se passe rien, un peu déçu qu’une telle voiture soit animée par un moteur si commun… Puis, je sens la voiture se lever doucement, d’abord de l’arrière puis de l’avant. La magie commence.

A gauche sous la planche de bord, je tire une manette pour débloquer le frein à main. Ce dernier est actionné par la pédale de gauche. Pour la suite, je range mon pied gauche définitivement.

Je passe maintenant la première en poussant le sélecteur du bout du doigt vers l’avant. Ce dernier actionne la commande hydraulique de la boîte de vitesses. Lorsque j’accélère, l’avant de la DS se lève légèrement. Rapidement, je passe la seconde puis la troisième car les deux premiers rapports sont assez courts. La troisième est très longue. Je passe presque partout avec. C’est seulement sur départementale ou voie rapide que je passe le dernier rapport.

A chaque changement de vitesse, je décompose lentement le mouvement : je lève le pied de l’accélérateur et je tire le sélecteur d’un cran vers la droite; la centrale hydraulique émet un petit “tonc… tonc”, puis je remets les gaz en douceur. Même si la position du sélecteur peut paraître inhabituelle, elle est très ergonomique. Le passage des vitesses se fait quasiment du bout des doigts et presque sans lâcher le volant.

Je rejoins vite un tracé assez fréquenté. C’est le moment de voir ce que la DS 21 a dans le ventre ! Bien qu’un peu léger, le moteur reste suffisant pour s’insérer sur voie rapide. Sans être trop poussif, on apprécierait tout de même quelques chevaux supplémentaires. C’est là le principal reproche que l’on peut faire à la DS. Une faiblesse à nuancer et à resituer dans le contexte de l’époque. En 1968, la majorité du trafic ne roulait pas aussi vite que le vaisseau amiral du double chevron et le réseau routier n’avait pas la même qualité qu’aujourd’hui.

Du LHM dans les veines
Maintenant que nous avons abordé les choses qui fâchent, passons à ce qui fait la spécificité de la DS sur route : l’hydraulique.

Une des plus grandes qualités de la Citroën DS réside dans son freinage. Ce dernier est remarquable. Tellement qu’il vaut mieux apprendre à doser le fameux champignon faisant office de pédale de frein pour éviter les mauvaises surprises. Et pour cause, la course de ce gros bouton pointu est extrêmement réduite. De même, le port de fines chaussures est fortement recommandé car l’espace entre l’accélérateur et le frein est exigu.

A l’arrêt, la DS peut rester en première mais je préfère reposer la boîte en repassant au point mort. Philippe, son propriétaire, me révèle une autre subtilité de cette boîte. Pour passer la marche arrière, il faut d’abord passer la première. Un pli à prendre avant d’engager les premières manœuvres.

Dans les passages étroits, je prends alors conscience du gabarit de la DS. Un paramètre à rapidement maîtriser si l’on veut éviter quelques sueurs froides au milieu du mobilier urbain. Les surfaces vitrées sont grandes et réservent peu d’angle mort, à condition de tourner la tête. Car il ne faut pas compter sur le rétroviseur intérieur, dont la position le rend purement décoratif. Heureusement, les manœuvres seront grandement facilitées par la direction assistée.

De retour sur route, je perçois enfin les avantages de cet empattement long. Ce dernier contribue à lisser les petites secousses. Le plus gros étant absorbé par la suspension hydropneumatique et les sièges.

Lors des virages amorcés par ce bateau, l’assise manque un peu en maintien latéral mais une fois bien calé au fond du siège et accroché au volant, ce n’est plus un problème. Pour garder le cap, je reste souple sur le volant, car la direction se révèle parfois trop assistée.

Compte-tenu de ses capacités et de ses qualités, la DS 21 invite à adopter une conduite souple et tout en douceur. Une expérience qui nous propulse dans un tout autre monde, beaucoup plus serein et sûr.

Conclusion
Malgré mes attentes et nombreuses lectures sur le sujet, mon expérience au volant de cette Citroën DS fut profondément marquante. En effet, la DS a su redéfinir le plaisir de conduite par sa douceur inégalée. Un confort légendaire rendu possible grâce à une ingénierie à couper le souffle. Ses innovations et sa ligne séduisent autant qu’elles font rêver, faisant de la Citroën DS une automobile à la fois luxueuse et populaire.

Conduire une Citroën DS
Pendant longtemps, les DS sont tombées dans l’oubli et il n’était pas rare de faire de bonnes affaires. Au cours de ses dix dernières années, la Citroën DS a su revenir sur le devant de la scène Automobile et retrouver ses lettres de noblesse. Comme la majorité des anciennes, sa cote a donc bien évolué. Ici on ne parlera que de la cote de la Citroën DS 21 berline, pour un modèle roulant, sain et en bon état.

Premier point à prendre en compte : le millésime. Les premiers modèles de DS 21 sont apparus en 1966 (avec l’ancienne face avant). La plupart sont encore au liquide rouge (LHS). Pour un bel exemplaire, comptez environ 21 000 €. L’année suivante, les DS passent au liquide vert (LHM), moins corrosif. Pour cela il faudra ajouter 4 000 € à la cote initiale. Les versions avec les feux en amande sont un peu plus abordables et se négocient à partir de 23 000 €.

Maintenant, passons à la finition. Pour cela, soyez attentifs à l’authenticité. Après 20 ans de carrière, la DS et ses dérivés sont devenus des voitures abordables sur le marché de l’occasion. Parmi celles qui ont su résister à l’usure et au temps, bon nombre d’entre elles ont été transformées pour succomber aux fantaisies de leurs propriétaires. Les modèles d’origine ne courent pas les rues et beaucoup de DS, ID, D Spécial et D Super 5 ont été “Pallassisées”. Une Pallas vous coûtera 5 000 € de plus qu’une finition Confort. A ce prix, assurez-vous d’en avoir déniché une vraie.

La DS est une voiture assez exigeante en entretien et qui nécessite de rouler très régulièrement sous peine de tomber en panne. C’est vrai pour beaucoup d’autos mais ça l’est plus encore pour la DS. A défaut d’être un foudre de guerre, le moteur est très fiable. C’est sur les organes hydrauliques qu’il faudra être vigilant d’autant que les spécialistes se font de plus en plus rares. L’entretien de ces éléments devra être rigoureux sous peine de se retrouver sans direction, ni boîte, ni freins…

Enfin, si cela ne vous fait pas peur, vous pouvez opter pour l’injection électronique, plus performante mais aussi plus délicate. Disponible à partir de 1970, il vous en coûtera environ 3 000 € de plus. Mais une fois encore, peu de mécaniciens savent régler ces injections. D’autant qu’il ne faudra pas non plus s’attendre à des miracles de fiabilité et de longévité avec des pompes ayant déjà 60 ans.

Comprenez bien que la meilleure DS, sera celle avec laquelle vous aurez le plus de plaisir à rouler. Alors choisissez bien vos critères de sélection !

Pour en apprendre plus sur la Citroën DS, je vous invite à consulter le formidable site du Docteur Danche : le Nuancier DS, qui ne parle pas uniquement de teintes de peinture !

Photos complémentaires Rudolf Bouten et Philippe A.

Un grand merci à Philippe de m’avoir confié le volant de sa DS et d’avoir exaucé un rêve d’enfant. Merci également à la Mairie de Vannes de nous avoir ouvert les portes de son centre historique.

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