Son épopée, il la raconte dans son livre « Iacocca par Lee Iacocca », qu’on trouve encore d’occasion.
L’Histoire automobile est souvent le fait de gens talentueux, et Lee Iacocca est de ceux-là. Belle incarnation du rêve américain, ce fils d’immigrés italiens, né en 1924, s’est construit à la force du poignet, et a gravi tous les échelons chez Ford, patiemment et opiniâtrement.
Ingénieur de formation, il a bifurqué, suivant son propre désir, vers le marketing peu après son entrée chez le géant de Dearborn, en 1946. Sachant se faire apprécier, y compris des ouvriers dont il n’ignore rien de la difficulté des conditions de travail, il fait des étincelles, qui lui vaudront dès 1960 d’être promu directeur général de branche automobile.
C’est là qu’il réfléchit à une réplique à donner à la VW Coccinelle, qui fait un carton aux Etats-Unis. Rapidement, il en arrive à un coupé stylé, d’inspiration européenne par son look, mécaniquement simple, abordable et configurable à l’envi : ce sera la Mustang, lancée en 1964, à grands renforts de communication. Iacocca n’a rien laissé au hasard !
C’est un carton monumental : des gens campent devant les concessions avant le jour officiel de lancement de la Mustang pour être sûr de pouvoir la commander. Plus de 400 000 unités sont vendues dès la première année de commercialisation, forçant GM et Chrysler à réagir.
Fort de ce succès, il parvient à la vice-Présidence de Ford, et là, c’est le drame : il s’entend très, très mal avec le grand Patron Henry Ford II. Les deux hommes se méprisent mutuellement. Un jour, Iacocca lui révèle au cours d’une conversation combien il paie d’impôts et Ford ironise : lui, par des moyens douteux, ne verse qu’une infime partie de cette somme au fisc. Iacocca est scandalisé. Pour lui, il est normal de reverser beaucoup si on gagne beaucoup.
Ford fait aussi acheter par sa compagnie un Boeing 727, qu’il fait transformer en avion privé : il veut s’en servir pour ses vacances, mais en laissant la firme payer les frais, comme, apparemment, il le faisait déjà avec les autres avions de Ford. Les financiers ne le lui permettent cette fois pas, mais Iacocca, lui, l’utilise pour ses voyages d’affaires. Ça, Ford ne le supporte pas et ordonne de revendre l’avion à perte. Il doit même payer de sa poche des déplacements indus, ce qu’il fait en accusant sa femme… Même si Iacocca fait du bon travail, la Mustang II conçue sous ses directives se révélant un grand succès alors que c’était une auto médiocre, il est viré en 1978.
Rapidement, il est pris à la tête du groupe Chrysler, marque qu’il ne connaissait pour ainsi dire pas, sa lutte s’étant surtout concentrée sur GM. Chrysler est en quasi-faillite, et Iacocca, déjà humilié de son éviction par Henry Ford II, s’interdit absolument d’échouer chez le Pentastar. Pourtant, la situation y est quasi-désespérée : pertes abyssales, outil de production archaïque, modèles peu compétitifs… Chrysler doit d’ailleurs organiser une coûteuse campagne de rappel sur ses Dodge Aspen et Plymouth Volare.
Iacocca réorganise, revend sa branche européenne à Peugeot, convainc les investisseurs, mais ça ne suffit pas. Il décide donc de demander un prêt à l’état, plutôt que de déposer le bilan sous la protection de l’article 11, qui met à distance les créanciers. Il défend personnellement son projet devant le Congrès et obtient le prêt d’1,2 milliard de dollars en 1979. Cela lui vaudra une très mauvaise campagne de presse, mais grâce au succès de ses petits modèles, les K-Series à roues avant motrices, lancés en 1981, sans oublier les Dodge Omni et Chrysler Horizon, bienvenus en cette période de second choc pétrolier, il parvient à le rembourser en avance !
Puis c’est le lancement du Voyager, le premier monospace de l’ère moderne, apparu en 1983, qui assure la rentabilité du groupe Chrysler. Iacocca a réussi son pari ! Il rachète Lamborghini puis AMC en 1987 (propriétaire d’une perle : Jeep), se fourvoie en créant Eagle mais l’essentiel est là. Il a sauvé Chrysler, qu’il quitte en 1992, atteint par la limite d’âge.
Toute cette histoire, vous pouvez la retrouver dans « Iacocca par Lee Iacocca », son autobiographie. Certes, on y retrouve le syndrome du seul contre tous, très prégnant dans la mentalité américaine. Certes, il y règle ses comptes avec Henry Ford II, avec le Walt Street Journal ou encore certaines personnalités politiques américaines, mais on y trouve aussi un homme engagé, courageux, droit et très concerné par le sort des autres. Un dirigeant exceptionnel en somme, et les histoires racontées par ce type de personnage sont toujours intéressantes. Lee Iacocca est décédé en 2019, des suites de la maladie de Parkinson.
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