Essai D’une Triumph Italia 2000, La Petite Gt Au Grand Caractère

il y a 1 année, 2 mois - 21 Septembre 2023, News d’Anciennes
Essai D’une Triumph Italia 2000, La Petite Gt Au Grand Caractère
Lorsque j’essaie une ancienne, c’est toujours avec l’idée vorace de nourrir ma passion. Cette quête gourmande peut s’alimenter par l’intérêt historique que suscite la voiture, par la beauté de ses lignes ou bien par le plaisir que procure sa conduite. Avec la Triumph Italia 2000, « c’est un bingo ! » car la belle GT remplie remarquablement tous ces critères.

L’histoire De La Triumph Italia 2000 En Bref

La Triumph qui n’en fut pas un
Si la marque Triumph est aujourd’hui indissociable des petits roadsters anglais c’est en grande partie grâce à sa TR3. Dans les années 1950, le modèle cartonne, si bien que Salvatore Ruffino, un concessionnaire italien de la marque, imagine une déclinaison en coupé. Le châssis et le moteur de la TR3 ayant très bonne réputation, il ne restait plus qu’à habiller la mariée. Pour cela Ruffino fait appel à a carrosserie Vignale et son styliste Michelotti.

Après un premier prototype futuriste mais au comportement routier déviant, les italiens revoient leur copie et proposent en 1959 une petite GT équilibrée et avec beaucoup de charme. Le résultat est une réussite, la Triumph Italia 2000 a vraiment tout pour plaire, hormis son prix beaucoup trop élevé qui approche celui d’une Jaguar XK 150. Pour la petite GT c’est l’échec commercial.

Triumph est racheté et la remplaçante de la TR3 arrive dès 1961. Elle entre en concurrence directe avec la Triumph Italia 2000. L’accord entre Ruffino et Triumph vole en éclat et la voiture sera produite à moins de 330 exemplaires. Bien peu à côté des 13.000 exemplaires du roadster TR3.

Notre Triumph Italia 2000 du jour
Revenons maintenant sur l’histoire de notre exemplaire du jour, frappé du numéro de série #244. Le châssis, le moteur et la boîte sont fabriqués chez Triumph à l’usine de Canley dans le Coventry en Angleterre durant le mois de septembre 1960. Le 6 octobre, l’ensemble est expédié aux ateliers Vignale à Turin. Un moment passe et la voiture est vendue aux États-Unis en juin 1961. L’historique des ses propriétaires américains successifs reste assez flou mais de ce que l’on sait elle aurait appartenu à un colonel de l’US Air Force au cours des années 1970. 

Au début du nouveau millénaire, la petite Triumph Italia 2000 revient sur le vieux continent. Importée aux Pays-Bas, elle y est intégralement restaurée entre 2008 et 2009. Elle est désormais entre les mains très soigneuse de Guy depuis près de 10 ans.

UN STYLE FINEMENT DOSÉ

Je dois avouer que lors de notre essai, la campagne rennaise pluvieuse n’offrait pas tout à fait le cadre idéal pour mettre en valeur une ancienne. Heureusement, la petite Triumph Italia 2000 est entretenue à la Fabrique Automobile, dont les locaux sont implantés au sein d’une ancienne tannerie. Pour patienter entre les gouttes, nous avons profité du showroom pour faire les photos statiques mais aussi pour feuilleter la documentation de l’auto.

Sur le plan esthétique, il est difficile de trouver une quelconque filiation avec les origines de la petite auto. Fini les rondeurs anglaises de la TR3, avec Vignale l’Italia 2000 se distingue de sa sœur par un style aux lignes plus aiguisées. Le catalogue de l’époque mentionne et vante même la « ligne incomparable » de la Triumph Italia 2000. Si l’on veut jouer sur les mots, ce dessin de la petite GT n’a rien de véritablement unique.

Cependant Michelotti a su faire appel, non sans un certain génie, aux nouveaux codes stylistiques des belles automobiles du début des années 1960. La Triumph Italia 2000 se dote ainsi d’ailes aux traits tendus, des feux avants ronds dans le prolongement de l’aile et une large calandre rectangulaire. Des éléments très similaires à ceux que peuvent arborer les Ferrari 250 GTE, Peugeot 404 ou même l’Aston Martin DB4. Mais avouez qu’en termes de comparaisons, il y a nettement pire !

Là où la Triumph Italia 2000 se démarque des modèles précédemment évoqués, c’est par son gabarit aux dimensions sont nettement moins massives. Avec moins de 4 m de long et moins d’1m50 de large, la petite GT concentre à la fois élégance et charme mais tout en discrétion. Une allure qui se montre presque sage mais pas monotone, car celle-ci est empreinte de beaucoup d’élégance et d’un dynamisme certain. Un effet que l’on peut attribuer à la découpe fuyante des passages de roues.

L’absence de l’emblème de la marque Triumph joue également en faveur de l’image renvoyée par l’Italia 2000. Déjà parce que le logo en lui même viendrait sûrement dénaturer la calandre ou le capot de la GT mais aussi parce que cela permet d’apprécier le dessin de la voiture sans apriori. En effet, la première fois que j’ai pu voir une Italia 2000, en non initié, je me trouvais donc face à une belles automobile mais sans savoir laquelle c’était. Le masque avant laissant transparaître pour seul indice le sigle « Italia 2000 ».

Seule déduction possible : j’avais affaire à une italienne à moteur 2 L (ce qui n’était pas tout à fait vrai d’ailleurs). Avec la Triumph Italia 2000, ce n’est clairement pas un blason qui crée l’attraction contrairement à d’autres italiennes. D’ailleurs, en étant vraiment honnête, il est fort à parier que bien des automobiles seraient moins enviables sans leur écusson. Imaginez maintenant un cheval cabré sur l’Italia 2000, la GT pourrait être assez crédible en petite Ferrari tant son style est une réussite.

Autres symboles présents sur la carrosserie, sur les ailes arrière on peut lire « TM Triumph » pour « Telaio e motore » comprenez châssis et moteur Triumph, suivis de deux drapeaux issus du code maritime. La croix rouge sur fond blanc correspond au V comme Vignale et le rectangle bleu sur fond blanc donne le S de « Standard Triumph ». Giovanni Michelotti signe également son œuvre sur une baguette au dessus de la plaque arrière.

Pour résoudre les problèmes de refroidissement des premiers prototypes, la Triumph Italia 2000 se pare d’une large calandre qui reprend un motif sobre et fin. Le modèle de Guy est équipé de feux additionnels longue-portée Lucas, un accessoire idéal pour rallyes à travers l’Europe et qui ajoute une petite touche de sportivité à l’Italia 2000. Autre détail dans l’esprit sportif, le capot adopte une bosse pour permettre de loger les deux carburateurs SU dans la baie moteur.

Enfin, notre Italia 2000 arbore une peinture gris métallisé légèrement bleutée. Une teinte qui allège la voiture qui est plutôt riche en chromes.

UN INTÉRIEUR GOURMAND
L’habitacle de l’Italia 2000 mélange confort, raffinement et sportivité, à l’image du volant Nardi en bois. Les sièges, l’intégralité des panneaux de portes et le soufflet du levier de vitesse se nappent de cuirs rouges. Une couleur parfaitement assortie à la teinte de la carrosserie.

Les instruments sont les mêmes que ceux de la TR3. Seule la disposition change pour un agencement en ligne plus moderne et plus intuitif en conduite. Les cadrans affichent les indispensables : compte tours et compteur de vitesse, pression d’huile, température moteur, niveau du réservoir et de la batterie.

Qui dit petite auto dit aussi optimisation de l’espace : le levier de frein à main se trouve de l’autre côté de l’arbre de transmission côté passager pour ne pas gêner le conducteur. Les fines poignées pour refermer les portes pivotent pour se mettre à plat. Le passager dispose d’un repose-pieds et d’une liseuse pour la carte routière ou les notes de rallye… Entre les deux sièges se cale un élégant cendrier.

LA MÉCANIQUE D’UNE TR3
Si vous vous posez encore la question de ce que l’on peut trouver sous le capot de la Triumph Italia 2000, la réponse est ni plus ni moins qu’une Triumph TR3 A.

Pour ce qui est de la motorisation, le bloc Triumph est un quatre cylindres en ligne placé en position longitudinale avant et alimenté par deux beaux carburateurs SU H6. Le tout délivre 100 ch aux roues arrières via une boîte 4 rapports. Côté freinage, le châssis Triumph bénéficie déjà de disques à l’avant et de classiques tambours à l’arrière.

Les roues directrices sont indépendantes suspendues par des doubles triangles superposés combinés à des ressorts hélicoïdaux. Pour les roues motrices on retrouve un essieu rigide et des ressorts à lames semi-elliptiques. Traduction : rien de très original mais il y a là tous les ingrédients pour avoir une auto saine et robuste. C’est ce que nous allons vérifier !

SUR ROUTE, LA TRIUMPH CONTRE ATTAQUE !
Ma dernière expérience au volant d’une italienne m’avait laissé quelque peu dubitatif : la conduite et la mécanique trop modernes de la Lancia Flavia n’était malheureusement pas à la hauteur de ses lignes. Sans en attendre fougue et sportivité, ce qui n’était clairement pas l’essence de la Flavia, il manquait tout de même du caractère à sa mécanique. Avec la Triumph Italia 2000, l’esprit est tout autre. Sa ligne raffinée renferme une mécanique prête à en découdre !

Avant même de démarrer, la première étape consiste à s’installer à bord. Pour s’assoir côté, conducteur, il faut être grand et avoir des chaussures fines (je mesure 1m74). J’avance le siège au maximum mais j’ai encore l’impression d’effleurer les pédales. Une fois allongé, la position est sportive, quelque peu inhabituelle mais reste confortable.

Premier contact. Comme à chaque essai, je n’ose pas trop brusquer la mécanique, je reste doux, mais Guy m’explique qu’avec l’Italia, il ne faut pas hésiter à monter dans les tours malgré le son du moteur qui se fait vite entendre. La première est synchro, ce qui est déjà un agrément plutôt moderne. Vers 4500tr/min, je passe la seconde. La boîte est crantée et ferme. Il ne faut pas hésiter à la bousculer un peu, pour faire rentrer le rapport, voire faire un double débrayage. Le moteur est très coupleux, offre de bonnes reprises et une fois les doutes passé, on en redemande !

Une fois lancé sur la départementale, je peux mettre l’overdrive. Il est présent du second au quatrième rapport et fait descendre le régime de 500 tr/min. Sur route sinueuse, on peut ainsi rester entre deux vitesses sans avoir à changer de rapport, c’est très reposant et cela fait aussi partie du charme de la conduite de la Triumph. Pour l’activer, pas besoin d’embrayer ou de débrayer, il suffit de faire glisser un bouton sur le levier de vitesse. On peut aider la passage en ajoutant un léger filet de gaz. Lorsque la boîte a été reconditionnée en Angleterre, la voiture a perdu sa commande d’origine pour recevoir ce levier provenant des Triumph Stag.

Côté maniabilité, la direction à galet est assez dure avec le petit volant Nardi. Une fois en marche on oublie vite ce détail. Question comportement, l’Italia 2000 est très saine avec un pied de corde très appuyé. Ce qui lui permet de bien accrocher en courbe. Une aisance qui invite à l’attaque mais pas avec cette pluie. Toujours par rapport à une TR3, la carrosserie participe naturellement à la rigidité de la caisse. Par ailleurs, par rapport à une TR3 elle offre un avantage non négligeable de la carde de notre essai : elle nous garde au sec et au chaud.

Le freinage tient en deux mots : freins disques. Compte-tenu de la légèreté de l’Italia 2000, inutile de vous en dire plus sur l’efficacité des freins.

Le seul inconvénient au volant de l’Italia 2000, c’est lorsque l’on croise la route d’un ralentisseur. Le problème ne résulte pas d’un manque de confort mais du fait que la barre est stabilisatrice positionnée très bas et demande de passer l’obstacle au pas, sous peine de frotter, voire d’abîmer les biellettes et la barre elle-même.

CONCLUSION
La Triumph Italia 2000 est la définition même du plaisir automobile : belle à voir et géniale à conduire ! Que ce soit pour la balade ou les sensations, la Triumph Italia 2000 ne demandera qu’à combler vos envies de route.

Avec un tel comportement et quelques chevaux en plus le potentiel sportif est là. Alors imaginez si elle était sortie avec une caisse en aluminium comme ce qui était prévu à l’origine. La Triumph l’Italia 2000 aurait été redoutable ! Au-delà de ces rêveries que devait partager Ruffino, l’Italia 2000 reste une excellente automobile dont la rareté et son prix sont ses seuls véritables défauts. Soyez attentifs si vous en croiser une !

CONDUIRE UNE TRIUMPH ITALIA 2000
Avec 297 à 329 autos produites, selon les sources, le plus dur sera évidemment d’en trouver une. Sa carrière fut brève et compliquée et on ne sait pas combien de ces beautés anglo-italiennes sont encore sur les routes. Par contre, si la technique Triumph vous suffit, restez concentrés sur elle. Le prix des deux modèles n’a rien à voir.

La Triumph Italia 2000 voit sa fourchette comprise entre 85.000€ pour une auto en très bon état et près de 130.000€ pour une auto en état concours. Sachant que notre auto est devenue un sacré collector et qu’elle est possiblement, justement, une reine de concours, la passion ne suffira pas, il faudra aussi un sacré portefeuille.

Du côté des choses à surveiller, évidemment la corrosion sera un facteur déterminant. Nombre de pièces, notamment mécaniques étant partagées avec la TR3, elles sont plutôt faciles à trouver. Par contre il y a aussi beaucoup de pièces spécifiques et là on peut aller au devant de grosses difficultés.

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