On se souvient de sa silhouette altière. Jusqu’au début du troisième millénaire, Carlo Felice Bianchi Anderloni aimait à se promener dans les concours d’élégance pour y évoquer les souvenirs des années passées à la tête de la carrosserie Touring.
Pendant deux décennies, le nom de l’entreprise s’est confondu avec son patronyme. La Carrozzeria Touring avait été fondée en 1926 par Felice Bianchi Anderloni, né à Rome en 1883. Tout au long des années 1930, Touring avait établi sa notoriété sur la réalisation de carrosseries élégantes, développant notamment le magnifique thème « Flying Star ». À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Touring s’est distingué de ses contemporains par la modernité de sa construction : ses caisses sportives étaient fabriquées selon le procédé « Superleggera » qui reposait sur un treillis tubulaire, une conception qui consistait en un treillis de tubes fins sur lequel étaient fixés les panneaux d’aluminium.
L’image sportive de Touring s’est appuyée sur une étroite collaboration avec Alfa Romeo, ponctuée par quatre victoires aux Mille Miglia. Puis Touring confirma sa compétence en matière d’aérodynamique avec le succès d’une BMW 328 habillée en berlinette profilée aux Mille Miglia 1940.
Carlo Felice Bianchi Anderloni succéda à son père à la tête de l’entreprise en 1948. Ingénieur de formation, il était entré dans l’entreprise en 1945, à l’âge de vingt-neuf ans (il était né à Milan le 7 avril 1916). Quand il prit les rênes de la Carrozzeria, la question la plus prégnante était - comme pour toutes les entreprises de carrosserie italienne - de survivre à la modernisation de l’industrie automobile et à la tendance à la standardisation.
L’année 1948 marque aussi la naissance d’une création décisive : la Ferrari 166 MM Spyder qui fut baptisée « barchetta » par ses contemporains à cause de sa ligne fine et légère, digne d’un canot ! L’esquisse avait été réalisée par Federico Formenti, le remarquable dessinateur à qui l’on doit d’innombrables plans et croquis de style pour la Carrozzeria.
Dans ses mémoires, Carlo Felice Anderloni résumait en ces termes l’état d’esprit dans lequel fut développé le « spyder da Corsa » : « Fascinante, parce qu’il s’agissait de donner une personnalité à une Ferrari et non de répéter tel ou tel spider existant déjà. Audacieuse parce que le dessin obtenu révolutionnait les canons de l’automobile sportive, traditionnellement large et surbaissée, étroite en haut et large en bas. C’est sans doute pour cela que les journalistes lui donnèrent le surnom de barquette ».
La collaboration avec Ferrari s’est poursuivie avec plusieurs petites séries réalisées sur les châssis 166 Inter, 195 Inter, 212 Inter, 340 MM et 625 LM, mais déjà la complicité entre Ferrari et Pininfarina se mettait en place et devenait exclusive de toute autre collaboration... Touring avait dû chercher d’autres partenaires. Il y avait bien sûr toujours Alfa Romeo, pour qui Touring allait produire les très beaux coupés 1900 Sprint et plus tard, les 2000 et 2600 Spider. Toujours pour Alfa Romeo, Touring étudia la surprenante Disco Volante.
Au début des années 1950, Touring se tourna vers la firme espagnole Pegaso, animée par Wilfredo Ricart, ennemi juré d’ Enzo Ferrari ! Il était alors capital pour les carrossiers italiens de trouver des débouchés internationaux. Dans les années 1950, les constructeurs anglais cherchaient à se donner une image plus séduisante et faisaient de plus en plus appel aux Italiens. Aston Martin se rapprocha de Touring pour imaginer sa nouvelle génération de coupés DB 4 (1958) et sa berline Lagonda Rapide (1961).
Lancia pour son Aurelia GT, Maserati pour sa 3500 GT, tous les carrossiers qui choisissaient Touring recherchaient une même tonalité : de l’élégance et de la pureté, avec des lignes dépouillées, des formes simples, une ceinture de caisse rectiligne, des surfaces lissées. Carlo Felice Bianchi Anderloni n’aimait pas les effets faciles et les décors pompeux, mais il exigeait des proportions parfaitement équilibrées.
Au Salon de Turin 1966, Touring exposa la convaincante Lamborghini Plying Star II, mais il était déjà trop tard. Les difficultés de la Carrozzeria étaient insolubles. L’entreprise avait été mise en « gestion contrôlée » par l’État en 1963, ce qui s’était traduit par une vague de licenciements. La production continua jusqu’au 31 janvier 1967, puis l’usine fut cédée à un groupe de chimie industrielle.
Carlo Felice Anderloni travailla ensuite au service « Progettazione Carrozzeria » chez Alfa Romeo, jusqu’en 1975. Il s’est éteint le 7 août 2003.
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