Le personnage est si sympathique, simple et modeste, que l'on n'ose pas lui parler du redressement du groupe FCA (Fiat Chrysler Automobiles) et encore moins avancer qu'il en serait l'un des acteurs majeurs. On craint de le gêner, Roberto Giolito... Le designer qui est à l'origine du phénomène Fiat 500 regarde avec recul et désinvolture le déroulement de cette aventure qui a changé le cours de l'histoire de la marque.
Au début du XXIe siècle, Fiat est en pleine tourmente, empêtrée dans une alliance incertaine avec General Motors. Les deux groupes avaient en effet pris une participation croisée dans le capital de leurs structures internationales en juillet 2000. Le groupe Fiat accumule alors des produits sans saveur ou mal positionnés. La marque Fiat s'enfonce, Lancia se meurt et Alfa Romeo se fige. Dans ce contexte morose, Roberto Giolito a une idée providentielle à la tête du département « advanced design » : ressusciter la Fiat 500.
Pour cet amateur éclairé, « la 500 est l'icône entre toutes les icônes, beaucoup plus que la 500 Topolino de 1936 qui n'a pas connu le même succès ». Elle a été conçue dans l'Italie populaire et bouillonnante des années 1950, l'Italie racontée dans Le voleur de bicyclette ou Les Vitelloni.
La nouvelle Fiat 500, « Nuova 500 » dans le texte, vit le jour en juillet 1957. Petite et ronde, c'était une vraie citadine, éminemment sympathique. Avec son regard espiègle, elle symbolisait la reconstruction de l'Italie, l'émergence d'une clientèle féminine et l'urbanisation galopante.
À la tête du département du design avancé depuis 2001, Roberto Giolito était convaincu que l'image de la 500 pourrait susciter un élan de sympathie envers la vieille entreprise en difficulté. En 2003, il lança l'étude d'un projet qui devait être dévoilé lors du Salon de Genève 2004 sous le nom de « Trepiùno » (= trois plus un). Le cahier des charges précisait qu'il ne s'agirait pas d'une « réplique de la Fiat 500, mais d'une interprétation moderne de la fameuse icône ».
À cette époque, la tendance est aux évocations. La Mazda MX5 fait un tabac, la Mini triomphe, la Volkswagen New Beetle séduit ; les créations néoclassiques se multiplient à un rythme accéléré... Sous son physique aux accents nostalgiques, on retrouve sur la Trepiùno toute la verve de la Nuova 500 des années 1950. D'emblée, le projet conquiert les observateurs, le grand public comme la presse. Flavio Manzoni, arrivé à la direction du centre de style Fiat en 2004, soutient le projet.
En février 2005, le divorce est prononcé entre Fiat et la General Motors. N'ayant plus de comptes à rendre à son ami (!) américain, la direction de Fiat donne le feu vert à la poursuite du projet. On connaît la suite de l'histoire.
Roberto Giolito ne tarde pas à être récompensé pour la pertinence de sa vision. En 2007, il est promu responsable du design des automobiles Fiat. Le souriant Roberto est alors âgé de quarante-cinq ans et auréolé d'un beau pedigree. Né à Ancône dans les Manches, le 1er janvier 1962, il a fait ses études de design à l'Istituto Superiore per le Industrie Artistiche de Rome. Diplôme en poche, il reste indépendant pendant deux ans, se consacre au graphisme et au design de mobilier. Il entre chez Fiat Auto en juillet 1989, un peu par hasard, « répondant à une petite annonce pour un poste en informatique. » À Turin, il est reçu par Ermanno Cressoni qui a dirigé le style d'Alfa Romeo de 1975 à 1984 avant de passer chez Fiat. Roberto Giolito devient directeur de projet sur plusieurs programmes importants : les concept-cars Downtown (une citadine électrique en 1993) et Ecobasic (un modèle rudimentaire en 2000), « des travaux qui mettent en valeur les réflexes du designer de produits ».
Le jeune styliste est surtout impliqué dans l'étude de la Multipla qui apparaît en avant-première en 1996. Un chef-d'œuvre de design aussi génial qu'incompris par le grand public. Bien que mesurant moins de quatre mètres de long, la Multipla accueille six personnes grâce à sa largeur hors normes. Le style traduit avec panache son caractère novateur avec ses phares placés à la base du pare-brise, comme deux petits yeux. À l'intérieur, la planche de bord est tout aussi originale avec les commandes regroupées dans un bloc.
En 2016, Roberto Giolito quitte le design, mais pas la Fiat. Il est désormais chargé de régner sur le patrimoine. Il n'abandonne pas ses passions, surtout le jazz... Il a maintenant plus de temps pour travailler ses riffs de guitare...
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