Oublié, le paradoxe de la Chrysler Airflow qui, en 1934, a incité une bonne partie de l’industrie automobile à se convertir au style aérodynamique tout en étant elle-même un échec commercial.
Quand l’Audi 100 C3 paraît, en 1982, c’est la stupeur. Et l’admiration. Car elle adopte une carrosserie très fluide, nantie d’un Cx de 0.30. Due à l’équipe d’Hartmut Warkuss, qui a débuté chez NSU en 1969, elle rappelle étonnamment la Ro80 de la défunte marque allemande.
Filles du programme Auto 2000
Avantage, elle permet à Audi de communiquer sur élément technologique fort, juste après la fameuse transmission Quattro, sans avoir à dépenser des fortunes en développant une plate-forme moderne, la 100 C3 dérivant de la C2 apparue en 1976.
Elle demeure donc très banale techniquement, mais réussit son coup. D’une part, elle est élue voiture de l’année 1983, d’autre part elle, occulte presque totalement les autres modèles sortis en même temps qu’elle et qui profitent, eux aussi, d’un bon Cx.
On pense à la Ford Sierra (0.34), à la Citroën BX (0.34), et à la Mercedes 190 (0.33). Ringardisant ses rivales BMW Série 5 E28 et Mercedes W123, au look de boîte à chaussures, l’Audi sera un grand succès.
Les allemandes des années 80 doivent notamment leurs progrès au programme Auto 2000 lancé par la RFA en 1978, dont le Ministère de la Recherche et de la Technologique a mis 110 millions de DM sur la table. Il incitait fortement les constructeurs à réfléchir à des solutions pour économiser du carburant. Audi, Mercedes et VW ont relevé le gant.
Mais c’est l’Audi, de par son look extraordinaire, que l’on retiendra, effaçant même des esprits des autos qui se sont pourtant signalées avant elle par leur bonne finesse, telle la Citroën GSA profitant d’un Cx de 0.33 dès 1979.
L’Audi 100 a un impact tellement fort qu’elle oblige pratiquement tous les autres constructeurs à communiquer sur l’aérodynamique, qui devient un argument de vente incontournable. Ainsi de Renault qui, dès décembre 1983, diffuse les premières photos de sa 25 au Cx de 0.28, chiffre qu’approchera la Mercedes W124 en 1984 (0.29), puis reproduira l’Opel Omega en 1986.
Durant la décennie 80, la très grande majorité de la production mondiale va ainsi « aérodynamiser » ses modèles, de la Fiat Uno ES (Cx de 0.33) en 1983, décrochant le record pour une citadine, à la Subaru Alcyone au Japon (0.29) en 1985.
La mode connaîtra une apogée en 1990 au lancement de l’Opel Calibra, avançant le chiffre ahurissant de 0.26 ! Avantage de cette course au Cx, les autos voient leur consommation baisser drastiquement et leur vitesse maxi progresser non moins significativement.
Puis le soufflé retombe dans les années 90. Certains designers se plaignent des « diktats » des aérodynamiciens tandis que la clientèle commence à changer ses centres d’intérêt, s’intéressant davantage au confort ou à la sécurité. L’aérodynamique voitures ne progresse alors plus guère, voire régresse, notamment chez Renault, où quand la Clio I affichait un excellent 0.31 en 1990, la III de 2005 retombe à un pathétique 0.35. Ce n’est plus un argument de vente !
Les Allemands, eux, n’ont pas arrêté de battre le fer. Les Mercedes Classe E W210 et BMW Série 5 E39 de 1995 tombent à 0.27, mais sans tellement le mettre en avant.
Retour de l’aérodynamique par l’électrique
Cela dit, une voiture, pratiquement inconnue en Europe, annoncera avec une acuité rare l’avenir en 1996 : la General Motors EV1. Pas commercialisé mais loué à des clients triés sur le volet, ce véhicule presque expérimental revendique un Cx hallucinant de 0.19. Pourquoi ? Pour augmenter son autonomie sur autoroute car il reçoit une motorisation purement électrique !
GM perdant énormément d’argent sur ce programme n’y donnera pas suite, mais ses solutions sont reprises à l’heure actuelle car le souci de l’autonomie demeure sur les autos électriques. Ainsi, les promoteurs de celles-ci rivalisent d’ingéniosité pour abaisser le Cx.
Tesla annonce 0.23 pour sa Model 3, et Mercedes carrément 0.20 pour son EQS. Voilà qui contribue à leur excellente autonomie autoroutière, les bienfaits d’une grande finesse aérodynamique se manifestant à partir de 80 km/h.
Et les Français ? Ils ont été les champions du Cx. Avec la Panhard Dyna Z, affichant 0.27 dès 1954. Voire la Citroën avec la DS (0.36 en 1955), puis la GS (0.34 en 1970) et la CX (0.37 en 1974), quand la concurrence avoisinait plutôt le 0.50. Ils se sont endormis sur leurs acquis, après un sursaut dans les eighties, l’auto française la plus aérodynamique à l’heure actuelle, la Peugeot 508, s’en tenant à 0.26.
Stellantis et Renault ont du pain sur la planche pour rester dans la course électrique, et feraient bien de se rappeler l’excellence aérodynamique dont ils étaient capables dans les années 80 !
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