Les généralistes se mettent au sport et proposent même des autos très radicales. C’est le cas de la firme de Munich qui propose la BMW M1. À quelques jours du départ du Tour Auto où on en retrouvera deux au départ, on s’intéresse à son histoire.
Un concept au mauvais moment
L’histoire de la BMW M1 commence dès 1971. La firme veut absolument profiter de l’exposition qu’offriront les Jeux Olympiques à l’été 1972 pour marquer les esprits. L’année sera donc particulièrement importante puisqu’on inaugurera le musée, la Tour BMW et qu’on va lancer la branche M, Motorsport, qui sera le bras armé en compétition mais qui devra aussi, à terme, proposer des modèles sportifs.
La première étape va justement être un modèle sportif. Il est étudié dès 1971 et présenté au salon de Genève à l’hiver 1972 : la BMW Turbo Concept. La base est celle d’une BMW 2002, largement modifiée pour passer le moteur en position centrale arrière. Ce moteur provient de la BMW 2002 Turbo avec ses 280ch pour 2 litres de cylindrée. Avec un poids de 1272kg, l’auto est performante, avale le 0 à 100 en 6,6s et file à 250 km/h.
Plus encore que la technique, c’est le style, intérieur et extérieur qui marque sur cette auto. On le doit au français Paul Bracq et il a créé des formes vraiment avant-gardistes. Le sport est bien présent. Rappelons-nous qu’en 1972 la reine c’est la Miura et la Porsche 917 vient de tirer sa révérence. Toutes deux sont bien plus datées (avec des dessins qui ont quelques années, certes) que ce que propose Bracq.
La BMW Turbo Concept est plate, résolument sportive et étudiée pour être aérodynamique avec un énorme diffuseur à l’arrière. La sécurité est étudiée avec un avant et un arrière en mousse qui absorberont les chocs tandis que le système de freinage est assisté… d’un radar !
Les deux portes papillon sont un argument stylistique et permettent de détailler un intérieur encore plus moderne avec une instrumentation qui fait plus penser à l’aviation qu’à l’aéronautique.
Cette auto a déjà son « type » chez BMW, c’est la E25. Pourtant elle ne va pas être produite. Trop en avance, elle est surtout pénalisée par l’image de la 2002 Turbo qui apparaît en plein choc pétrolier. Le projet retourne dans les cartons et les prototypes dans le musée fraîchement ouvert.
Au tour de la BMW M1
En 1976 c’est Jochen Neerpasch qui donne le coup d’envoi d’un nouveau projet. Il s’agit ni plus ni moins que de remplacer les 3.0 CSL pour aller jouer contre Porsche dans les courses de Groupe 5. Ces autos peuvent partir d’une feuille blanche et on va donc se lâcher !
L’idée de base est celle d’une vraie supercar avec un moteur central arrière et un V10 pour propulser l’engin ! Mais déjà le projet rencontre quelques soucis puisque BMW s’avoue techniquement limité pour développer le châssis devant recevoir le moteur central. C’est vers l’Italie que se tourne la marque de Munich. C’est Lamborghini qui doit concevoir le châssis et son ingénieur n’est autre que Gianpaolo Dallara, déjà maître en la matière.
Le châssis sera donc tubulaire, avec des tubes carrés et relativement léger. C’est d’ailleurs Lambo qui devra fabriquer les autos.
Pour la carrosserie, on retourne en Italie puisque c’est Giugiaro, avec Italdesign qui s’en charge. Le concept BMW Turbo est une base mais les formes sont encore plus tendues. Les panneaux seront réalisés en plastique et fibre de verre.
Pour le moteur… le V10 est clairement trop compliqué pour BMW. N’oublions pas qu’on veut pouvoir homologuer l’auto le plus rapidement possible. Il faut donc limiter le temps de développement et c’est finalement le 6 cylindres en ligne des 3.0 CSL de course qui va être utilisé. Il passe à 3.453 cm³ cube de cylindrée. Avec ses 24 soupapes, il sort 277ch (sur les autos de route) et il accouplé à une boîte ZF à 5 rapports.
La BMW M1 débarque, les ennuis aussi
La BMW M1 est à peine présentée que les ennuis arrivent. La FISA a changé le règlement. Avant d’être homologuée en Groupe 5, il faudra que la nouvelle venue passe par le Groupe 4. Sauf qu’il s’agit là de construire 400 autos en deux ans !
L’idée peut paraître réalisable, sauf qu’industriellement parlant, c’est très, très compliqué. Lamborghini est au bord de la faillite et se retire après seulement 4 autos produites. Au printemps 1978 c’est donc Giugiaro qui propose de récupérer la fabrication des autos… du moins en partie.
On va commencer par faire produire le châssis par Marchesi et les panneaux de carrosserie par Italina Resina, tout ça vers Modène. Ensuite les BMW M1 sont « pré-assemblées » chez Italdesign à Turin. Elles y reçoivent notamment leur intérieur. Ensuite elles sont envoyées chez le carrossier Baur qui installe les éléments mécaniques, dont le moteur M88 qui est assemblé à la main. Pour finir, elle prennent la direction de Munich pour être contrôlées, puis livrées.
Le processus est long et les délais s’allongent. Plane donc le spectre de ne pas arriver à tenir la cadence des 400 exemplaires pour l’homologation. Mais Neerspach va avoir une idée de génie.
La naissance du Championnat BMW M1 Procar
Pour augmenter le volume de production, BMW Motorsport va produire les autos de course en même temps que les autos de route. Problème : que faire de ces autos de course qui ne sont pas homologuées ?
La solution va naître de la relation que BMW entretient avec Max Mosley qui est alors à la tête de March Engineering, dont les F2 sont motorisées par la firme de Munich. Membre de l’importante FOCA (Formula One Constructors Association), il parvient à convaincre les constructeurs d’introduire un championnat de courses « support » à la F1. Ce championnat sera monotype, avec des BMW M1 baptisées Procar.
La production se poursuit tant bien que mal. Le 12 Mai 1979, le championnat BMW M1 Procar est lancé à Zolder. Les pilotes sont ceux du championnat de F1 et leurs performances aux essais dans leurs monoplaces leur offre la possibilité de piloter les BMW M1 Procar d’usine. C’est le suisse Regazzoni qui sera le seul à participer à l’intégralité des courses avec une auto de BMW Motorsport.
Les autres teams se nomment TWR, Brun, Osella, Winkelhock, BMW Suisse ou Italie. Laffite sera le premier poleman, Elio de Angelis le premier vainqueur. Après la 8e course, à Monza, si c’est Jones qui a signé le plus de pôles (5), c’est Niki Lauda qui est titré avec 3 victoires et une deuxième place, devant Stuck et Regazzoni.
Pourtant, on note l’engagement de BMW M1 dans d’autres championnats ! Ainsi elles courent en DRM mais également en IMSA. Du coup, celle d’Hervé Poulain, une Art Car réalisée par Andy Warhol, avec Winkelhock et Mignot pour compléter l’équipage, se classe 6e des 24h du Mans avec une 2e place de classe.
L’année 1980 commence alors que les BMW M1 ne sont toujours pas homologuées. Mais le championnat Procar est toujours au programme mais on peut en voir dans des événements qui ne sont pas QUE des Grand Prix de F1. Ainsi la première course a lieu à Donnington, la seconde sur l’Avus.
Stuck est bien parti à la mi-championnat mais c’est Piquet qui remporte les trois dernières courses et le titre. Il devance Jones, toujours placé, et Stuck.
Cette année là, les BMW M1 IMSA sont nombreuses aux 24h du Mans avec 5 autos dont deux à l’arrivée, mais hors du podium de catégorie dominé par les 935 et Ferrari 512 BB/LM.
Enfin, la BMW M1 est homologuée
Le 1er décembre 1980, c’est enfin fait. Après un an et demi de galères, la supercar de Munich est enfin homologuée en Groupe 4. Mais ça arrive bien tard. Les équipes vont enfin pouvoir s’engager sur les divers championnat auxquels les autos étaient destinées. Surtout que le championnat Procar est abandonné. Les raisons sont multiples mais l’engagement de BMW en tant que motoriste de Brabham en F1 a évidemment joué, les autres constructeurs n’appréciant que moyennement l’énorme exposition dont la marque bénéficiait avec son championnat monotype.
Les dernières autos sont construites au début de l’année 1981. On arrête vite les frais sur le chiffre de 453 autos… y compris les BMW M1 de course. D’ailleurs, seules deux autos sont finalement construites par l’usine avec les spécifications du Groupe 5. D’autres seront converties par les teams qui connaissent déjà bien les autos.
Débute alors la carrière des BMW M1 en compétition et notamment en championnat du Monde des voitures de sport 1981. Les BMW M1 y joueront sur deux tableaux. Par exemple, à Monza, Quester et Fabi, sur l’auto du team Oreca, se classent 4e et 2e en Gr. 5. Par contre, Rousselot, Servanin et Ferrier sont 6e et vainqueurs en GT, en Groupe 4 !
La première victoire au général arrive assez vite, aux 1000 Km du Nürburgring. L’auto a beau être récente, les teams se sont fait la main dessus et les pilotes aussi. Piquet et Stuck, tous deux performants en Procar, imposent l’auto de Sauber devant les 935 et autres Lancia Montecarlo Turbo.
Quatre autos seront au départ des 24h du Mans et on en verra au départ des plus grandes courses. Aucune autre victoire ne sera à noter. Les BMW M1 Groupe 4 et 5 permettent tout de même au constructeur de s’adjuger la 3e place du championnat. Néanmoins, l’usine a arrêté le développement qui ne repose que sur les teams qui engagent les autos. Finalement on se rend compte que l’auto arrive bien tard, quatre ans après sa conception !
Dès 1982, seules les Groupe C et Groupe B marquent des points en championnat. Une seule Groupe 5 est au départ des 24h du Mans et termine dernière classée, les deux autres courant en IMSA GTX et GTO.
Les 24h du Mans vont d’ailleurs devenir un des terrains de jeu des M1. En 1984 Yvon, Dagoreau et de Thoisy remportent le Groupe B sur la classique mancelle et Dören, Birrane et Libert les imitent en 1985. Aucune ne sera à l’arrivée en 1986, dernière année où elle se montrent dans la Sarthe.
En France, on aura droit à des M1 Groupe B. Engagée par BMW France, la BMW M1 est convertie par Oreca et courra sous les couleurs de Motul jusqu’en 1983 avec plusieurs succès au niveau européen ! C’est cette auto qui sera engagée sur le Tour de France Automobile 1983. Elle abandonnera mais ouvre la porte aux engagements sur le Tour Auto.
L’héritage de la BMW M1
Finalement, la BMW M1 a eu une histoire bien étrange. En retard du début à la fin, elle n’est devenue mythique qu’avec son championnat Procar qui a permis de voir les plus grands pilotes à son volant.
Côté commercial, c’est un bide. Le nombre d’auto produite est resté faible. Seul son moteur a été un vrai succès en se retrouvant sous le capot de Serie 5 et 6 très prisées.
La BMW M1 est maintenant une auto de collection très prisée elle aussi. Les versions de route sont rares sur les routes alors il faut les apprécier quand on les croise. Par contre, on a le bonheur de voir des autos de compétition lors de nombreuses compétitions historiques, notamment sur les meetings Peter Auto, sur circuit principalement, mais aussi sur le Tour Auto.
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