LA RENAULT 10 : LA SOLUTION « HAUT DE GAMME » DE LA RÉGIE
Pour comprendre pourquoi la Régie (ancien nom de Renault) a eu l’idée du lancement de la Renault 10, il faut retourner un peu en arrière. La voiture haut de gamme de la marque était avant cela la Frégate. Au début des années 60, sa production est arrêtée après un grand échec commercial.
Ça ne s’arrête pas là puisque Renault décide pour remplace la Frégate de commercialiser la Rambler. Cette dernière est une AMC rebadgée et assemblée en Belgique. Ses origines la rattrapent trop vite et la Rambler, elle aussi, fut un échec puisqu’elle n’était aps faite pour le marché européen. En parallèle et plus bas dans la gamme, c’est la Renault 8 qui est lancée.
Trois ans après le lancement de la R8, celle-ci a atteint un rythme de croisière niveau ventes mais on veut faire mieux, surtout aux Etats-Unis où la marque souhaite vendre de plus gros volumes. De plus, présentation de la R16 au Salon de Genève créé un fossé dans la gamme au losange. Il faut alors trouver une voiture qui serait un entre-deux de ces deux modèles, pour séduire la « classe moyenne », celle qui n’a pas franchement les moyens de s’offrir une R16 mais qui manque de place pour ses bagages dans une R8.
Pour la Régie, c’est le gabarit de la Renault 8 qui lui fait défaut, trop petit par rapport aux concurrentes américaines (et c’est rien de le dire). On a alors l’idée de l’agrandir, et le constructeur choisit de proposer la Renault 10. On reprend la caisse de la R8 pour l’allonger. Ainsi, la Renault 10 se place sur le segment des « moyennes supérieures » tandis que les R8 sont des moyennes inférieures.
Avec la Renault 10, la Régie pense à tout. D’une part, elle complète sa gamme puisqu’elle se positionne juste sous la Renault 16, ce qui lui permet d’attirer une nouvelle clientèle. D’autre part, elle convient mieux que la R8 au marché américain et peut donc s’exporter de l’autre côté de l’océan Atlantique. Tout ceci en réutilisant des bases déjà bien ancrées ! En tout cas, c’est l’idée de départ !
DE LA R8 À LA R10 : MÉTAMORPHOSE
L’une des premières chose que récupère la Renault 10 de sa soeur la Renault 8, c’est son moteur. La R10 sera donc équipée du 4 cylindre en ligne. Si la R8 abrite une version 956cm³ du moteur Cléon, la Renault 10 a le droit à une petite augmentation de cylindrée et passe à 1.108cm³.
Pour ce faire, l’alésage et la course augmentent respectivement de 3 et de 5mm. Elle développera donc 43ch en passant de 6CV fiscaux à 7. En plus de quelques chevaux, le moteur gagne aussi un peu en couple et donc en souplesse (avec un accroissement du poids, c’est plutôt bienvenu). Avec tout cela, on améliore la boite de vitesse et on renforce l’embrayage et toutes ces modifications font de la R10 une voiture plus disposée… à la conduite sportive ! Le moteur est, comme sur la 8, placé en porte à faux arrière.
C’est un peu paradoxal quand on sait que la Renault 10 est disposée à être plus luxueuse. En réalité, la direction sera plus douce que sur la R8 et les suspensions plus souples, ce qui l’assagit beaucoup.
La Renault 10 récupère aussi la cellule centrale de la Renault 8. L’habitacle est identique et le châssis est le même. Toutefois, on allongera son nez, pour augmenter le volume du coffre, et par soucis d’équilibre de la ligne, on l’allongera aussi à l’arrière. Au total, on passe de 3,99m sur la R8 à 4,2m sur la R10 !
De manière générale, comme elle est supposée être plus haut de gamme, la voiture se veut plus confortable. On appose à l’intérieur des placages en faux bois et on lui offre un volant spécifique. C’est peut-être ces changements à la Frankenstein qui lui vaudront cette mauvaise réputation.
La Renault 10 est présentée au Salon de Genève 1965 et, déjà, elle essuie les critiques sur son look « discutable ». Elle est disponible à la vente à l’automne 1965. Dans la gamme, elle prend en fait la place de la Renault 8 Major.
PAS DÉLAISSÉE POUR AUTANT
La Renault 10 connait tout de même un certain succès, et cela lui vaut des évolutions régulières. La Régie est consciente qu’il ne faut pas la laisser de côté.
En 1966, peu de temps après le lancement du modèle, on voit apparaitre une version automatique. En même temps, la production s’élargit à l’étranger et démarre en Afrique du Sud, en Australie et en Espagne (chez FASA).
En Afrique du Sud, la R10 aura le droit a une préparation sportive ! C’est le préparateur Alconi qui proposait un kit offrant de meilleures performances à cette dernière. Le moteur et les trains roulants étaient améliorés. Un modèle de série, la Renault 10 Alconi, naitra de ce version.
Dès 1967, la Renault 10 est restylée pour une deuxième phase. Au départ, la R10 avait récupéré les phares ronds de la R8. Ils seront désormais remplacés par des phares rectangulaires, issus eux de la R16. Optimisation ! À l’intérieur aussi on monte un peu en gamme et on rajoute des options. Le côté luxueux de la voiture est accentué avec ces petits changements de style.
En 1968, la Régie réintroduit la R8 Major. Cela force sa grande sœur à évoluer. Ainsi, la R10 va adopter un moteur de plus grande cylindrée : 1.298cm³, toujours un Cléon, et devient la Renault 10 1300 afin de les différencier.
PHYSIQUE PEU FLATTEUR, MAIS BELLE CARRIÈRE
La Renault 10 continue son bonhomme de chemin. L’année 1969 va cependant être un tournant dans sa carrière avec une concurrence accrue. Déjà, du côté de Sochaux, on a adopté la même recette pour créer la Peugeot 304 à partir de la 204. Sauf que cette dernière est plus jolie et qu’elle est plus moderne dans sa conception avec son moteur (en alliage) à l’avant et ses roues avant motrices.
Et puis la concurrence est aussi interne puisqu’on lance celle qui doit remplacer la Renault 10 : c’est la Renault 12. Elle aussi est plus moderne. Son style ne fait pas non plus l’unanimité mais elle est vraiment conçue (et pas adaptée) pour les marchés d’exportation. Si elle garde le même moteur que la Renault 10 1300, elle le place à l’avant et c’est une traction.
Après le lancement de la R12, la R10 restera deux années supplémentaires au catalogue, évidemment sans présenter d’évolution, avant de laisser sa place. La Renault 8, qui peut rester dans la gamme plus facilement aux côtés de la nouvelle venue continuera sa carrière française jusqu’en 1973.
Plusieurs lieux ont servi à la production de la Renault 10. Boulogne Billancourt sera le lieu français, mais la R10 a aussi été produite en Espagne entre 1966 et 1970, d’où elle sera exportée en Amérique du Sud. Certains lots de pièces détachées étaient assemblés en Australie à la même période et bien sûr, elle fut produite en Afrique du Sud.
La carrière de la Renault 10 fut donc courte, puisqu’elle n’a duré que 6 ans. Toutefois, un peu plus de 699.000 exemplaires de Renault 10 ont étés produits et cela témoigne d’un certain succès commercial. En plus de s’être bien vendue, elle permet à Renault l’ouverture d’une nouvelle gamme sans avoir eu besoin d’être partis de zéro. Pari tenu pour Renault.
ROULER EN RENAULT 10 :
De nos jours, la R10 fait encore les frais de sa mauvaise image. Si elle a tout de même été produite en grand nombre, ce n’est pas grand chose en comparaison aux R8 et R12 que l’on croise sur tous les rassemblements dominicaux. Surtout, contrairement à ces deux là, elle n’a pas eu de porte étendard propre à marquer sa génération, on parle évidemment des versions Gordini qui ont grandement contribué à l’aura des deux autres autos.
En collection, c’est finalement un avantage : elle côte beaucoup moins que ses cousines au losange. En fonction des modèles, on peut désormais en trouver pour 4/5000 €. Comptez un peu plus pour une Major mais vous resterez toujours largement en dessous des 10.000€. De plus, le coup d’entretien est le même que pour les R8.
Toutefois, comme il y’en a peu sur les routes, il y en a peu à vendre et beaucoup à l’abandon. Il faudra donc bien vérifier l’état de la voiture avant de faire votre choix, puisque la rouille peut être bien présente, mais c’est une rengaine que vous connaissez bien !
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