Démodée par son esthétique bien plus que sa technique, la Citroën « Traction », une appellation non officielle, fait encore bonne figure au début des années 50. Il faut dire que les autos à structure monocoque, roues avant motrices et direction à crémaillère sont bien rares à l’époque. Par ailleurs, la Citroën possède une tenue de route qui fait encore référence, et de loin ! C'est dire l'avance incroyable qui était la sienne en 1934 ! Mais son allure, son cockpit étriqué, sa boîte rétive et sa suspension ferme jouent contre elle.
Il se murmure par ailleurs que Pierre-Jules Boulanger, l’ancien patron de Citroën décédé dans un accident au volant d’une Traction en 1950, dégonflait volontairement les pneus de sa voiture pour gagner en confort. Il a d’ailleurs autorisé ses ingénieurs, Paul Magès en tête, à travailler sur une ultramoderne suspension hydropneumatique, qui commence à parvenir à certain degré de mise au point au début des années 50.
Nombre de prototypes tournent, notamment une 11 équipée de tout le système oléopneumatique, direction assistée comprise. Comme la future DS accumule les retards, la direction de Citroën envisage de commercialiser cette 11 "hydraulique", mais les sphères gonflées à près de 200 bars ne sont pas sûres. En cas d’avarie, l’huile sous pression rencontre l’air comprimé, et cela s’avère explosif ! Le constructeur modifie son invention, remplaçant l’air par de l’azote, retardant la mise sur le marché.
Le 15 avril 1954, il présente une 15/6h, une nouvelle et ultime variante de son vaisseau-amiral 15/6, une Traction à moteur 6-en-ligne 2,9 l de 77 ch. Le h signifie Hydraulique : la suspension hydropneumatique équipe ce bouquet final de cette auto mythique. Une première mondiale ! Et ce, après 20 ans de carrière... Citroën est décidément une marque particulière. Toutefois, cette suspension s’installe sur le seul essieu arrière. Normalement, il est semi-rigide, et suspendu par des barres de torsion.
Mais sur la 15/6h, il est remplacé par deux bras tirés reliés à des sphères mélangeant contenant sur la partie haute de l’azote (43 bars), au milieu une membrane et en bas du liquide. Celui-ci est mis sous pression par une pompe située à côté du moteur, alors que dans le coffre se situe une commande permettant de faire varier la hauteur de la caisse à l’arrière. Des barres antiroulis s’installent à l’avant et à l’arrière, alors que de part et d’autre de la calandre pointent les extrémités des nouvelles barres de torsion allongée.
Dans l’habitacle, la 15/6h bénéficie de nouveaux sièges ainsi que d’une moquette matelassée pour encore plus de confort.
Sur route, la grande Citroën n’a rien perdu de son comportement routier exceptionnel, bien au contraire, et dépasse toujours le 130 km/h, une vitesse élevée à l’époque. Surtout, elle prodigue désormais un confort remarquable, surprenant les habitués de la Traction. Celle-ci peut donc achever en beauté une carrière prolifique, même si la 15/6h ne sera produite qu’à 3 077 unités jusqu’en 1956. Celle-ci n’en rendra que plus criante l’impatience du public à découvrir sa remplaçante, la DS, lancée en octobre 1955.