Le 5 Mai dernier, le constructeur Mercedes Benz a vendu pour 135 Millions d’Euros, une Mercedes 300 SLR Uhlenhaut, du nom de l’ingénieur-pilote Rudolf Uhlenhaut entré chez Mercedes en 1931, concepteur des voitures de compétition de la marque, et responsable dans les années 50, du développement des modèles de courses 300 SL (victorieuse aux 24 Heures Mans en 1952 notamment) et 300 SLR (Championne du monde des voitures de sport en 1955), cette version étant elle-même extrapolée de la Formule 1 W196 ayant dominé le championnat mondial en 1954 et 1955 avec Jean-Manuel et Stirling Moss. Elle est donc devenue la voiture la plus chère du monde ! Comble du privilège, L'Automobile Magazine avait eu l'occasion d'en prendre le volant avant cette destinée extraordinaire...
Record pulvérisé
Les résultats (publics), des ventes aux enchères établissent qu’un an auparavant, début juin 2021, une Ferrari 250 GTO de 1964, avait déjà défrayé la chronique en atteignant 54 millions d’euros lors d’une vacation, battant ainsi le record de RM Sotheby’s qui avait également vendu en Août 2018, une GTO de 1962 pour 44 Millions de Dollars (hors frais), elle-même effaçant le score d’une autre GTO de 1963 vendue de gré à gré 38.5 Millions d’Euros (source Bloomberg 1/10/2013). Une autre GTO de 1963 aurait été vendue de manière privée en juin 2018 pour un montant de 70 millions d’euros, mais aucune confirmation officielle ne permet de le certifier.
Cela ne remet de toutes façons pas en cause le nouveau record établi par la Mercedes 300 SLR, mettant fin à l’hégémonie des Ferrari en matière de prix stratosphériques. Car derrière la GTO, d’autres Ferrari ont régulièrement franchi la barre des 10 millions ces dix dernières années. On se souvient par exemple de la 335S de 1957 vendue par Artcurial à Paris en 2016 pour plus de 32 millions d’euros, et de la 250 California 1961, ex Alain Delon, vendue par cette même Maison à Paris l’année précédente en février 2015. Quelques "intruses" s’immiscent dans ce gotha, comme des Bugatti, Jaguar, Aston Martin, ou Porsche de course ; ou des prestigieuses classiques des années 1930 comme des Duesenberg, Alfa Romeo ou Bugatti ; mais Ferrari domine sans conteste, quelque soit la période de fabrication.
Marché coté
La cote justement, parlons-en ! A l’instar du marché de l’Art, les voitures de collection s’échangent sur un marché tenu par des spécialistes, voire des experts, au terme de transactions connues (résultats des ventes aux enchères) ; ou relativement transparentes (prix annoncé par un vendeur professionnel ou un particulier) ; ou encore, plus discrètes dans le cadre d’un réseau d’amateurs qui se fréquentent et négocient entre eux. Les résultats des seules ventes aux enchères, qui adjugent des milliers de véhicules anciens par an, mettent en lumière le niveau de transaction et établissent ainsi une cote de référence. Certes, les ventes à plus de 1 millions sont plus rares, mais il y en a suffisamment pour établir une sorte de cartographie du marché, de sa santé et de ses tendances. Force est de constater que ces dix dernières années, les plus-values enregistrées sont spectaculaires (parfois en centaines de pourcent), conférant à ce marché un attrait élevé. Il en résulte inéluctablement des comportements spéculatifs, mais le manque de culture automobile de certains acheteurs a provoqué dans le passé des "explosions de bulle spéculative" dissuadant les investisseurs sans passion au profit des véritables amateurs.
Un marché mondial
De fait, le marché est tarifé pour les modèles, même chers, disponibles en quantité substantielle. Les transactions visibles, ou connues, permettent de fixer un ordre de prix, que les revues spécialisées publient et que les vendeurs et acheteurs consultent. Ainsi des magazines comme Rétroviseur ou AutoRetro indiquent chaque mois la cote de la plupart des modèles, et L.V.A (La Vie de l’Auto) édite chaque année, un guide et une cote établie à partir des résultats mondiaux des ventes aux enchères. Car l’automobile ancienne de collection est un loisir, et une activité, internationale. Il peut y avoir des écarts de prix d’un pays à l’autre pour des marques ou modèles nationaux, mais au-delà de 50 000 Euros, le niveau global redevient homogène.
La même voiture, en état comparable, sera vendue au même prix en Europe ou aux USA. Seule sa rareté, localement, pourra provoquer des écarts (une DS Citroën par exemple, se vendra plus chère à Los Angeles qu’à Paris, et inversement pour une Chevrolet Corvette C3), mais pas pour les "grosses pièces" pour lesquelles l’acheteur n’est pas freiné par les frontières. Les plus grands collectionneurs se retrouvent aussi bien à Londres, Monaco, Paris, ou en Californie. Dès lors, une Porsche 356 ou une Jaguar Type E série 1 ont la même cote ou que ce soit. En revanche, les modèles exceptionnels échappent à toute logique de cote, car il n’en existe pas, sinon le dernier résultat connu…
L’exceptionnel n’a pas de prix
L’absence de transactions sur une œuvre ou un objet, du fait de son extrême rareté, ne permet pas d’établir une cote. Les estimations communiquées dans les catalogues des Maisons de Ventes sont d’ailleurs fréquemment éloignées du prix d’adjudication, souvent nettement plus élevé. Lorsqu’un véhicule est convoité par quelques connaisseurs, c’est leur désir de le posséder et leur surface financière, qui font le prix. Il suffit d’être deux lors d’une vacation… Non seulement les acquéreurs potentiels sont aptes à mesurer la rareté de l’opportunité qu’ils ne veulent pas voir passer, mais ils sont aussi entrainés par le caractère compétitif d’une vacation, leur égo et l’adrénaline du moment les conduisant parfois à aller au-delà des limites les plus raisonnables.
C’est la combinaison de plusieurs critères qui procure le caractère exceptionnel d’une automobile :
Une voiture qui coche toutes les cases, comme la Mercedes 300 SLR, suscite forcément une convoitise auprès des plus grands collectionneurs. L’offre est plus que rarissime, il n’y en a que deux, dont une ne sera jamais à vendre, et elle incarne le meilleur de Mercedes. Il a suffi au constructeur allemand d’inviter les plus grands collectionneurs de la planète à cette vente privée pour déclencher un processus ayant abouti aux 135 Millions. Elle aurait pu faire 50 Millions, comme 100 ou 200… C’est irrationnel, et en même temps, cela reste encore moins cher que certaines toiles de Maître. Naturellement, peu de collectionneurs disposent d’assez d’argent pour s’offrir de tels objets, mais ceux qui appartiennent à ce cercle très restreint ne se fixent pas véritablement de limites. Celui qui la veut vraiment, a les moyens de l’obtenir.
Pure folie ?
Pas sûr quand on voit que les Ferrari 250 GTO qui se sont vendues plusieurs dizaines de Millions ces dernières années, s’échangeaient à moins de 10 Millions il y a 20 ans, et moins de 1, dans les années 80. Une "simple" Mercedes 300 SL Papillon (produite à 1400 exemplaires) que l’on peut facilement trouver chez des marchands ou lors de ventes aux enchères, se vend aujourd’hui entre 1 et 1.5 Millions selon le pédigrée. Elle valait dix fois moins il y a 30 ans. On comprend alors, que la passion n’est pas totalement aveugle et que si on en a les moyens, dépenser ses économies dans une belle ancienne peut s’avérer un bon placement.
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