Restée confidentielle elle avait plus d'un atout sous son capot et dans son grand habitacle. Peut-être trop pour les autres marques de PSA. On vous raconte son histoire.
Talbot pour les nuls
La marque Talbot n'est pas forcément facile à bien situer. Pour la faire courte, elle est créée par Adolphe Bayard, des automobiles Clément-Bayard et le Comte Chetwynd-Talbot en 1903 pour fabriquer les Clément-Bayard en Angleterre.
En 1919 elle est rachetée par Darracq, puis le groupe rachète Sunbeam pour créer la Sunbeam-Talbot-Darracq.
En 1934 la marque est en difficulté et elle est rachetée par Anthony Lago.
Lui-même doit se résoudre à la vendre à Simca en 1957 qui ne produit plus d'autos.
En 1977, Simca, et plus généralement Chrysler Europe est rachetée par PSA qui exhume le nom de Talbot en 1979.
En 1986 PSA arrête Talbot en France et en 1995 ce sont les filiales espagnoles et anglaises qui s'arrêtent.
Pour le nom des autos, c'est résumé ci-dessous :
Genèse multi-marque du projet C9
Au milieu des années 70 Talbot est donc une marque de Chrysler Europe par le biais de Simca. Le groupe manque d'une berline haut de gamme, et il faut y remédier. La machine se met en branle pour étudier le projet C9, au niveau du groupe entier. Ainsi c'est Rootes qui s'occupe du dessin tandis que Simca se charge de la partie technique. C'est aussi à Poissy que sera produite la future auto.
La robe sera forcément tricorps. Renault avec la R16 et Citroën avec la CX ont bien des bicorps (à hayon pour la première) mais la concurrence allemande que vise Chrysler Europe produit des autos plus traditionnelles pour ce segment.
Sous la robe, on fera appel à la propulsion, encore une fois une caractéristique à laquelle seul Renault et Citroën dérogent. Côté moteur, c'est le gros moulin du groupe qui constituera la base : le 2.2 litres. On aimerait bien mettre un plus gros moteur, mais pas question de greffer un V8 américain, et le V6 PRV est bloqué par la concurrence... qui doit déjà se le partager !
La voiture est presque prête en 1977. Sauf que PSA rachète Chrysler Europe au même moment. Et si le projet C9 est conservé, il va être refondu en profondeur.
La Talbot Tagora
L'idée derrière la C9 séduit PSA. La 604 est déjà sur le marché mais la nouvelle venue pourrait permettre de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. On réétudie la voiture, le châssis sera celui de la 505, toujours en propulsion. Côté moteur le 2.2 est dans la dot, mais la voiture va cette fois avoir accès au V6 PRV.
Finalement quand la voiture est prête en 1980, Simca n'existe plus et c'est sous le nom de Talbot Tagora qu'elle est présentée au grand public lors du Salon de Paris. La nouvelle venue reçoit un accueil plutôt favorable. La ligne tendue, épurée, moderne en fait, est réussie. Seule mini-ombre au tableau, les roues rentrées dans la carrosserie. La plate-forme de la 505 se trahit... et la Tagora n'est pas une Jaguar Type E...
Côté prix, là aussi les voyants sont au vert. La GL à 58.700 francs est déjà bien équipée. On y trouve de série, une montre a aiguilles, le rétroviseur extérieur réglable de l'intérieur, le réglage de la hauteur des phares depuis le tableau de bord, et quatre phares a iode.
Mais la GLS à 66.000 francs offre encore plus. Elle reçoit des baguettes de protection latérales, des enjoliveurs de roues centraux, la direction assistée, les vitres électriques, le verrouillage central, des sièges en velours avec appuie-têtes, un compte-tours (à la place de la montre à aiguilles), une montre digitale, une centrale de contrôle (7 voyants qui permettent de vérifier, par exemple, le bon fonctionnement des ampoules de feux AV et AR, le niveau de liquide de refroidissement, le niveau de liquide lave-glace...). C'est le 4 cylindres qui est sous le capot des deux autos.
Seul point noir : les finitions ne semblent pas tout à fait être au niveau de la concurrence.
Qu'à cela ne tienne, la Talbot Tagora est commercialisée en Février 1981 et 502 sont commercialisées avant Juillet et l'apparition du millésime 1982.
La GL, ici dans rare version export avec toit en vinyle destinée à l'Angleterre :
Les évolutions de la Talbot Tagora
En Juillet 1982 la gamme est enfin complète. Tout d'abord cela passe par l'arrivée de la DT, Diesel Turbo, qui reprend le moteur de la 604 et ses 80ch fumants. Les finitions sont hybrides, proches de la GLS, mais sans le compte-tours ni les enjoliveurs de roues.
En haut de la gamme justement apparaît la Talbot Tagora SX. C'est l'arrivée du moteur PRV et c'est le plus puissant des 2.7 litres. Avec 165 ch, il fait près de 20 équidés de plus que les versions qu'on retrouve sous le capot des Peugeot 604 et Renault 30 ! La SX accroche presque les 200 km/h ! On la reconnaît notamment avec ses jantes alu chaussées de Michelin TRX.
À 88.300 francs, il faut en avoir pour son argent et l'équipement de série comprend les freins à disques à l'arrière, les vitres teintées, des joncs chromes sur les pare-chocs, un ordinateur de bord. On ajoute aussi des options comme l'intérieur cuir ou la clim', option également disponible sur la GLS.
Cette dernière, comme la SX peut également recevoir une boîte automatique à trois rapports avec cruise control, une chose rare pour l’époque.
L'année modèle 1983 verra comme seule modification l'arrivée des options boîte auto et direction assistée sur les DT. On supprime également la GL, trop cheap elle ne se vend pas. On parle quand même d'une auto haut de gamme !
Aparté : la Danielson
La même année le préparateur Danielson propose de se pencher sur la Talbot Tagora SX. Ces autos voient alors leur PRV monter à 200 ch ! Pour cela, et sans que ce ne soit mentionner aux clients, on utilise le PRV de 2849 cm³ avec sa course de 91 mm (au lieu des 88 d'origine). La consommation passe de 11 à 15 litres, un gouffre ! Sept (ou huit) voitures seront réalisées.
Niveau évolutions... c'est tout ! La Tagora s'arrête à la fin de ce millésime. Une carrière éclair !
Qui a tué la Talbot Tagora ?
L'arrêt de la Talbot Tagora, c'est un peu le Crime de l'Orient Express. Il n'y a pas une raison, il y en a plusieurs et chacune a pesé dans la balance !
D'abord, la conjoncture. Quand l'étude de la C9 est lancée, au même moment que la 604 d'ailleurs, le premier choc pétrolier est passé et le haut de gamme se remet sur pied. Sauf que le deuxième choc pétrolier arrive. Et si les versions 4 cylindres ne s'en sortent pas trop mal, la version V6 de la Tagora, dans laquelle beaucoup d'espoirs étaient concentrés, se prend la hausse de l'essence en pleine face.
Regardons la situation de PSA ensuite. Le groupe Peugeot a racheté trop de concurrents (certes avec d'énormes pressions de l'état pour ne pas perdre de fleurons industriels) en trop peu de temps et la situation est très mauvaise. Le groupe sabre un tiers de ses effectifs ! La M24 est sur les rails mais la 205 n'a pas encore sauvé le groupe.
En conséquence, c'est du côté de l'usine que cela va mal. Les grèves sont nombreuses à Poissy dans les années 80, cela entraîne des retards de livraison.
Le concessions ne sont pas exemptes de tous reproches. Les réseaux Simca et Peugeot ont fusionné. Mais ne comptez pas trop sur les vendeurs Peugeot pour vendre une Tagora. Ils poussent plutôt la 604, même vieillissante. Et puis on a aussi la CX en stock dans le groupe. Et même sans V6 elle a des arguments, son blason et son hydraulique, qui font qu'elle a une bien meilleure image que la Talbot presque sortie de nulle part.
Et puis... l'auto elle-même n'est peut-être pas tout à fait ce qui était espéré. Arrivée trop tard, elle aurait dû sortir autour de 1977-1978, elle est plombée par les retards, des prestations bonnes sous une finition moyenne, bref c'en est trop !
Au final c'est l'année modèle 1981 qui se sera la mieux vendue : 15.687 voitures. Près des 3/4 de la production, rien que ça. En 1982 ce sont 2624 Tagora qui seront écoulées et 1320 en 1983. C'est faible. Trop faible.
La Talbot Tagora de nos jours
Une grande berline pas chère ? C'est la Tagora qu'il vous faut. Pour environ 3000 € vous trouverez une voiture en bon état avec un quatre cylindres de 115 ch sous le capot et un équipement plutôt bon. Ceux qui ont pu rouler dans une Talbot Tagora vous loueront en plus le confort de l'auto.
Pour la SX, il faudra débourser un peu plus, autour des 4000-4500 €. Après la difficulté viendra du fait qu'avec 1083 exemplaires, c'est une rareté !