Essai d’une Bentley S1, suffisante à tous points de vue

4 years, 5 months atrás - 9 Julho 2020, News d’Anciennes
Essai d’une Bentley S1, suffisante à tous points de vue
Gérard a été un des premiers à nous proposer ses autos pour un essai. Et on s’est empressé d’aller les voir.

Parce qu'une Bentley S1, soyons honnête, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval (et encore faut-il trouver un cheval). Je savais que ce ne serait pas l'expérience de conduite la plus décoiffante de la décennie, bien au contraire. Mais c'est le genre d'auto qu'il faut découvrir, parce qu'elle distille des sensations uniques... et reposantes !

La Bentley S1 en bref
Depuis les années 30, Bentley appartient à Rolls Royce. Et quand le double R présente sa Silver Cloud en 1955, Bentley a sa propre version avec la S1. Elle remplace la Type R dans la gamme.

Quand on parle de version, on ne peut être plus dans le vrai : mis à part les logos et la calandre (aux angles plus arrondis sur la Bentley) les deux autos sont des clones. Elles embarquent un moteur 6 cylindres en ligne à l'avant, avec un châssis séparé qui soutient la carrosserie. Celle-ci est un mix entre acier embouti et aluminium pour les ouvrants.

Quelques mois plus tard sortent les Continental, des châssis nus à faire habiller par les plus grands carrossiers (du Royaume-Uni principalement). Reposant sur le même empattement ces autos sont des coupés 4 ou 2 places ou des cabriolets.

Aucune modification ne sera faite sur la S1 pendant ses 4 années de production. En fait, quand le fameux V8 arrivera sous le capot (ce n'est pas encore le 6 trois-quarts) elle sera rebaptisée S2. 3538 autos de cette première mouture auront été produites.

Notre Bentley S1 du jour
Cette magnifique auto est donc de 1956. Avant de se mettre au volant, autant la détailler car il faut avouer qu'elle est superbe. Et il faut en faire le tour parce qu'elle mesure quand même 5.39 m de long et 1.90 m de large !

Non, ici on ne joue pas dans la finesse. Les formes sont généreuses et rebondies, massives, mais jolies. C'est la voiture pour emmener la Lady à la garden party du Lord voisin.

L'avant de la Bentley S1 est dominé par son imposante calandre. Des barres verticales et du chrome, on ne risque pas de la rater. De chaque côté sont encastré les phares tandis que les phares additionnels sont rattachés au gros pare-choc. Même dans le dessin des butoirs de ce dernier on retrouve cette rondeur et ces formes rebondies. Les ailes qui se prolongent très en avant donnent une impression de muscle avec leur pli central. Et les clignotants et rétros situés au dessus donnent un peu de relief à l'ensemble.

Le profil propose plusieurs courbes principales. Celle du pavillon, haute pour dégager de l'espace aux vitres et aux occupants (il culmine à 1.63 m). Celle qui se prolonge depuis les ailes avant et vient mourir devant la courbure des ailes arrières. Enfin celle-ci est fuyante vers l'arrière tandis qu'elle est prolongée vers l'avant par une barre chromée qui englobe les poignées de porte et des filets qui vont jusqu'à l'avant du capot.

À l'arrière on repart sur des formes rebondies. C'est surtout l'immense coffre qui impressionne. Les bagages trouveront facilement leur place là dessous. Il remonte même bien plus haut que les ailes laissant finalement une petite lunette.

Les détails sont évidemment nombreux... et chromés. Je me délecte toujours du travail réalisé sur les filets. Surtout quand on sait qu'ils étaient réalisés à main levée par un spécialiste.

À l'intérieur : saloon car
Ces berlines étaient appelées saloon car. Et à l'intérieur on est effectivement comme dans un salon. Déjà en ouvrant la lourde portière (pourtant en alu je le rappelle) on peut admirer l'épaisseur de la moquette. Ensuite les sièges vous accueillent et vous vous dites que votre canapé Ikea n'est quand même pas au mieux de sa forme. Larges et magnifiquement habillés, ceux de notre Bentley S1 du jour sont en parfait état.

Le volant est énorme mais c'est logique quand on sait le poids qui repose sur l'essieu avant. Il faut bien pouvoir tourner. Au dessus à droite de celui-ci on retrouve le levier commandant la boîte de vitesse.

Évidemment la planche de bord est en bois et les compteurs et autres commandes sont regroupées au centre. Solution pratique très utilisée par les anglais qui devaient produire des autos en conduite à gauche, comme en conduite à droite. La preuve qu'on peut faire les deux : la Bentley S1 dans laquelle on se trouve a été produite en conduite à droite avant d'être transformée quand son premier propriétaire l'a amenée avec lui aux Etats-Unis.

Sous l'autoradio on retrouve une petite tablette, elle aussi en bois, qui dissimule un cendrier tiroir. Autre temps, autres mœurs, puisqu'un cendrier est situé sur chaque dossier avant pour les occupants de l'arrière. Aucun problème de place au niveau des jambes, même si certaines limousines de taille plus réduite en offrent plus (mais il a existé 35 autos à empattement plus long). Là aussi chaque occupant dispose de sa tablette.

Ces occupants là sont bien reculés sur leur banquette à accoudoir central. Histoire de se dissimuler derrière les imposants montants pour ne pas être reconnu !

En tout cas une fois que j'ai fait le tour je me demande quand même si je ne vais pas rester à l'arrière de la Bentley S1. Juste pour voir.

Sous le capot de la Bentley S1
On vous l'a dit, le vénérable 6 en ligne qu'on retrouve sous le capot vit ici ses dernières heures avant de laisser sa place au mythique V8. Avec 4887 cm³ c'est un beau bébé ! Sa puissance n'était pas révélée alors, on parle de puissance suffisante dans une telle bête. Mais les chiffres sont autour des 170 ch et il n'en faut pas moins pour mouvoir les plus de deux tonnes de la Bentley S1, occupants ayant forcé sur le pudding compris. Le couple n'est pas précisé mais vue la cylindrée, il sera là aussi "suffisant".

Tant qu'on est à parler de la technique, notons que cette auto n'était proposée qu'avec une boîte automatique. Les amateurs de sport... n'étaient tout simplement pas visés par cette voiture là !

Et bien si le sport n'est pas au programme, on va tout de même passer derrière le volant.

La conduite de la Bentley S1 : (presque) suffisante
Vous vous doutez bien que l'accès à bord ne va pas poser de problème. J'ai presque du mal à enlever mes pieds de l'épaisse moquette qui les absorbé. L'assise est parfaite même si le réglage n'est pas forcément idéal. S'il n'y aura pas besoin d'enfoncer la pédale d'embrayage, il faut quand même que je puisse enfoncer les freins de la Bentley S1. Le moteur part au quart de tour et dans un silence qui reste impressionnant, même de l'extérieur. Parfaitement réglé, on pourrait poser un verre d'eau sur le capot et admirer l'immobilité du liquide.

Maintenant il faut y aller. Petite particularité pour cette boîte auto des années 50 : il n'y a pas de neutre. C'est marche avant ou marche arrière. Avec le pied sur le frein et aucune autre option pour rester immobile. Je met le levier sur 4, lève doucement le pied du frein et la Bentley S1 se met en route. Je n'ai même pas eu besoin d'accélérer, notre anglaise roule sur le couple, comme en pilote automatique. J'appuie un peu sur la pédale de droite. Le 6 en ligne répond mollement et commence à nous faire prendre de la vitesse.

C'est sur un chemin communal que j'ai pris le volant. Et j'avoue qu'à ce moment là, tout ce qui me préoccupe c'est que quelqu'un arrive en face puisque la bête prend toute la largeur !

Sauf que le propriétaire m'indique que je devrais plus m'inquiéter du stop. Il est encore loin mais je n'ai pas encore testé le freinage. On va tout de suite oublier ce mot. La boîte de vitesse n'offrira pas de frein moteur et si le toucher de la pédale est excellent, on ne peut pas parler de freinage mais de douce décélération. Je m'arrête sans dépasser le fameux stop. Pour autant... bah je suis obligé d'avancer un peu pour avoir un tant soit peu de visibilité. Le capot est long, il ne faut pas l'oublier.

Maintenant je m'insère. La route est plus large et j'appuie un peu plus fort sur l'accélérateur. La Bentley S1 commence à accélérer franchement et les 80 réglementaires sont atteints rapidement. La première courbe qui se présente est avalée sans trop de souci, dans un confort absolu mais la suivante est plus longue. On va éviter de faire des cabrioles avec notre anglaise. Surtout que même en réduisant un peu la vitesse, le confort reste palpable, au détriment de la précision de l'auto. Si l'avant va où on lui demande, on sent que l'arrière est plus libre, mais c'est plus dû au tarage des suspension qu'à un quelconque problème.

En sortie de courbe je réaccélère. Et la boite confirme qu'elle est un peu fatiguée. Parce que les petits accoups qu'elle nous renvoie ne sont pas normaux. Loin d'être désagréable, ils sont du même acabit que ceux qu'on retrouverait dans une américaine au gros moteur avec laquelle on voudrait forcir l'allure. Une intersection suivante me permet de me rendre compte que le moteur peut aussi arracher la voiture de façon plus énergique (je n'irais pas jusque dire sportive). La puissance suffisante de la Benltey S1 est bien là et peut se montrer quand on la sollicite.

Je ne me ferais pas avoir deux fois. La chicane d'entrée d'agglomération est vraiment (mais vraiment vraiment) anticipée. La vitesse baisse et on vire, pas à plat, avant de reprendre le cap, avec toujours cette petite sensation que l'arrière veut amortir tous les mouvements sans vraiment les contenir. Oui le vocabulaire qui vient avec la conduite de cette Bentley S1 est plutôt marin. Mais c'est bien ce qui résume la conduite de ce paquebot.

Il faut bien cerner le gabarit. Anticiper les mises en vitesse et les freinages. Penser ses trajectoires pour les adoucir au maximum. Penser aussi à bien garder le cap de façon à ne pas empiéter sur la voie d'à côté. Par contre, une fois que le capitaine sait bien manier son embarcation, il voyage de façon royale. Peu de bruit à bord, les sièges sont d'un confort génial. À l'arrière Guillaume ne cesse de s'enfoncer dans le sien. Quand la mer se fait plus forte (que la route se dégrade) les suspensions font admirablement leur job. Et on roule sans trop de poser de question.

Conclusion
Alors cette Bentley S1 ? Franchement, c'est la première fois qu'on essaye une auto de ce genre. Et c'est l'opposé de bien des autos qu'on a essayé. La suffisance c'est son maître mot. Une puissance suffisante, un confort suffisant (pour ronronner sur les sièges arrières), une allure suffisamment belle pour être remarquée et un gabarit suffisant pour que personne ne vous rate. En fait il n'y a que son freinage qui ne soit pas à la hauteur. Mais on lui pardonnera.

La Bentley S1 c'est le genre d'auto qui vous demandera toute votre attention pour bien la conduire. Mais elle le rendra bien à tous les occupants. Et rien que pour ça on aime.

Acheter une Bentley S1
Pas facile de faire rentrer une Bentley S1 dans son garage. Déjà à cause de la place qu'elle prend, mais c'est anecdotique. Non, l'auto est rare et haut de gamme. Pour une berline comme celle-ci, en bon état, les prix commenceront autour des 80.000 €, en Europe du moins. Aux USA et en vente aux enchères, vous pouvez tourner autour des 40.000 $ des modèles de qualité. Les rares versions longues seront évidemment plus chères. Pour ce qui est des Continental, les prix seront bien supérieurs avec des prix de départ entre 250 et 300.000 €, et uniquement pour les coupés, les cabriolets sont encore plus chers !

Pour l'usage, n'oubliez pas que ce gros 6 cylindres est particulièrement glouton. Ensuite il faudra bien inspecter tous les éléments. La réfection d'une boîte pourra vous coûter le prix d'une populaire. Ne parlons même pas des prix des travaux de carrosserie ! Alors cela ne s'improvise pas. Et vous trouverez les bonnes adresses auprès des clubs, notamment en France avec le Bentley Drivers Club.

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