C’est, paraît-il, lors d’un voyage transatlantique en bateau que Vincenzo Lancia, créateur de la marque de voitures qui porte son nom, a eu l’idée d’une nouvelle architecture.
Alors qu’il fait gros temps, et l’entrepreneur italien s’étonne de la résistance incroyable que la coque du bateau manifeste face à la puissance des vagues. Il décide de s’en inspirer pour l’automobile. A l’époque, les autos sont encore largement inspirées du monde hippomobile : leur carrosserie est boulonnée sur une sorte d’échelle, le châssis, qui reçoit toute la mécanique ainsi que les trains roulants. C’est lourd et pas forcément très rigide.
Lancia a l’idée d’unir carrosserie et châssis en une seule pièce, et dépose le brevet qui mènera à la future Lambda en 1919. Les études proprement dites commencent en 1921, et en fin d’année, Vincenzo, ancien pilote Fiat, teste dynamiquement le prototype au Mont Cenis.
A l’automne 1922, la voiture est prête. Sa fabrication monocoque, sans toit (il s’agit d’un torpédo), s’éloigne de celle d’un bateau, car elle est très ajourée. En tout cas, c’est une première dans l’industrie automobile, surtout que Lancia a poussé ses recherches très loin. Ainsi, il a intégré à la structure un tunnel qui non seulement accueille l’arbre de transmission, autre première, mais participe aussi à la rigidité de l’ensemble, tout en l’abaissant.
Troisième première pour un modèle de production, la Lambda recourt à une suspension avant à roues indépendantes par jambes coulissantes, conçue par l’ingénieur Falchetto, que le constructeur utilisera jusque dans les années 50. Ce principe va, lui aussi, influencer toute l’industrie automobile. Lancia en aurait eu l’idée après avoir vu le ressort à lames de l’essieu avant d’une de ses autos se rompre (les routes de l’époque étaient très mauvaises), ce qui a entraîné un accident. Il a demandé à Falchetto, son homme de confiance, de concevoir une suspension évitant cet écueil.
Dotée d’une structure légère et très rigide, permettant d’abaisser considérablement le centre de gravité, ainsi que de cette suspension magique, la Lambda profite ainsi d’une tenue de route exceptionnelle en son temps.
Quatrième première, cette auto est la première au monde à s’équiper d’un moteur V4 étroit (13° d’ouverture seulement !), dont Lancia a présenté le premier prototype en 1919. Un bloc très performant, développant 49 ch pour une cylindrée de 2,1 l, grâce à son arbre à cames en tête, ultramoderne voici 100 ans. Il propulse la Lambda à 110 km/h, une vitesse très élevée.
Aussi, pour s’arrêter efficacement, et c’est encore rarissime au début des années 20, la Lambda s’équipe de freins sur les quatre roues, qui ont demandé une longue mise au point. Elle complète le tout d’un circuit électrique en 12 volts, qui ne deviendra la norme dans l’industrie que dans les sixties !
Révolutionnaire à bien des égards, la Lambda connaîtra une carrière de 9 ans, jusqu’en 1931, et se déclinera en 9 séries, gagnant en longueur et en puissance au fil des millésimes. Près de 13 000 unités seront fabriquées, un joli succès à ce niveau de gamme. Cela dit, sa structure monocoque ne sera pas reprise sur sa remplaçante, l’Artena, en raison de son prix de revient. Mais ce ne sera que temporaire.
La Lambda peut recevoir un toit, comme on le voit en photo, mais celui-ci n’est que boulonné sur la structure, il ne participe donc pas à sa rigidité. Elle laisse donc la primeur de la voiture dont le toit s’intègre à l’architecture monocoque à une autre Lancia, plus petite : l’Augusta, lancée en 1933, dont une variante sera produite en France sous l’appellation Belna. Actuellement, la quasi-totalité des autos de grande série utilisent ce principe.
Dans l’histoire automobile, peu de modèles ont concentré autant d’innovations majeures que la Lambda, et on espère que les futures Lancia sauront se montrer dignes de leur ancêtre.
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